Emil travaille dans une carrière de calcaire près de la petite ville de Faxe au Danemark. Pour gagner un peu plus d’argent, il fabrique un alcool frelaté qu’il vend sous le manteau aux gens du village et aux ouvriers de la carrière, avec des produits qu’il dérobe à l’entreprise. Les choses se compliquent ainsi que ses relations avec son frère dont il était proche, lorsque la mixture fabriquée de façon très artisanale par Emil est accusée d’avoir empoisonné un de ses fidèles clients.

Cinéma : Winter brothers
Cinéma : Winter brothers

Il n’est pas certain que le premier souci de Hlynur Palmason ait été de réaliser un film autour de la dangerosité de l’alcool frelaté fabriqué par Emil.

Ce réalisateur qui vient de l’Art visuel, dont «Winter Brothers » est le premier long métrage, reconnaît avoir hésité entre un film de cinéma, une installation vidéo, une peinture, une sculpture ou une série de photos avant de préciser son projet.

Si la forme cinématographique s’est finalement imposée, il n’a d’évidence pas tout à fait renoncé aux autres formes en donnant à son récit une préférence esthétique.

Et si l’on devait définir son film, en une image, ce serait parmi celles qui associent ton sur ton, le blanc des paysages neigeux, le blanc de la carrière de craie, et ce blanc dont la poussière crayeuse recouvre les visages, les chevelures, les vêtements des ouvriers. C’est un peu comme si le projet cinématographique s’était alimenté, pour ne pas les abandonner des autres projets artistiques laissés de côté.

L’esthétique du film ne déborde jamais sur la réalité du récit et si les visages sont masqués de blanc, ils ne manquent pas d’expression, du poids des sentiments qui occupent et tourmentent les personnages. Emil est un être profondément énigmatique, complexe dans sa simplicité. Qui est-il en réalité ? Quelqu’un qui ne disposerait pas de toutes les facultés mentales ? Un être malin, retors ? Un garçon d’une nature brute ou au contraire un être d’une grande sensibilité ?

Pour Hlynur Palmason, la première étape d’un projet artistique quel qu’il soit est composée d’images et des sons qui sont comme une sorte de germe. jusqu’à ce que le projet en l’état atteigne ses propres limites et que surviennent d’autres éléments qui conduisent à élaborer le contour narratif définitif.

Pour le réalisateur, le cinéma touche autant à la vue qu’à l’ouïe et la création d’un film est quelque chose de fragile et de mystérieux qui peut évoluer à chacune des étapes de sa fabrication.

Le film est également une chronique villageoise, Il entre en jeu, dans l’élaboration du récit, la part de chacun des protagonistes, depuis les personnages qui contribuent directement à l’histoire, ceux qui sont à la périphérie du récit, ceux qui n’apparaissent que comme des silhouettes.

L’univers neigeux pèse sur le récit et introduit même, dans les séquences réalistes, une part de rêve de telle sorte qu’on pourrait sortir de la projection du film en se disant, se remémorant la blancheur des paysages, les demi masques de craie qui recouvrent les visages, les atmosphères feutrées, qu’on a assisté à un conte.

C’est, en tous cas un très beau film.

Francis Dubois


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