Abbas était professeur de Français en Centrafrique. Il a fui la guerre et a choisi d’émigrer avec ses deux jeunes enfants après la disparition dramatique de sa femme dont le souvenir ne cesse de hanter ses rêves. Il a débarqué en France où il a le projet de bâtir une nouvelle vie.
En attendant d’obtenir le statut de réfugié, il a organisé son quotidien dans un appartement qu’un ami provisoirement absent lui a cédé. Ses enfants sont scolarisés et il travaille dur sur les marchés.
C’est à cette occasion qu’il rencontre Carole qui tient un stand de fleurs à proximité.
Celle-ci s’attache au fil des semaines à cet homme dont elle admire le courage et dont elle sait qu’il est hanté par les fantômes du passé.
Mais après une première alerte, la mise en demeure de quitter avec sa famille, l’appartement qu’il occupait, Abbas reçoit le courrier tant redouté par lequel il apprend que sa demande d’asile a été refusée.
Que va-t-il advenir d’Abbas et de ses enfants et de Carole qui, du jour au lendemain, se retrouve privée de l’espoir du foyer qu’elle a cru reconstruire ?
C’est lorsqu’il a pris connaissance d’un fait divers survenu à l’automne 2014 où un tchadien demandeur d’asile s’est immolé par le feu à la Cour Nationale du droit d’asile à Montreuil après que sa demande avait été rejetée, que Mahamat Saleh Hanoun s’est attelé à un scénario.
Son projet de film retracerait le long cheminement de ces demandes dans lesquelles des milliers d’individus fondent le même espoir qui, trop souvent se soldent par un simple courrier dans une boite à lettres qui fait fondre, l’espace de la lecture de quelques lignes, tout un projet d’avenir.
Les récits à propos des migrants s’attachent souvent aux épisodes concernant la traversée d’un désert ou de la mer qui sont la partie spectaculaire de leurs parcours.
Mais que se passe-t-il une fois qu’ils sont dans le pays (de leur choix ou pas), qu’ils ont fait la demande d’asile et que, progressivement, dans le long temps qui précède la réponse des services administratifs, ils ont fini par organiser leur vie, qu’ils ont fini par s’intégrer.
Et alors qu’ils ont été précédemment arrachés à leur terre natale et qu’ils ont réussi tant bien que mal à se faire une petite place dans la société d’accueil, arrive pour nombreux d’entre eux, la terrible nouvelle du refus.
Beaucoup décident de rester malgré la mise en demeure de retourner dans leur pays.
Ils sont arrachés une seconde fois et c’est ainsi que le système, qui souvent en tire profit, devient une fabrique de sans-papiers.
Mahamat Saleh Haroun installe son récit avec les éléments qui conviennent à une situation exemplaire pour traiter le sujet : un homme meurtri pas la disparition de sa femme, intellectuel dans son pays mais qui accepte son état de manutentionnaire sur un marché aux légumes comme la première étape d’une intégration en France. Un homme intègre qui veille à la bonne éducation de ses deux jeunes enfants.
Sa rencontre avec une femme française pour une relation amoureuse et la perspective avec elle de reconstruire une cellule familiale à laquelle s’ajoute les premières déceptions et bientôt la mauvaise nouvelle qu’on redoutait.
« Une saison en France » est le récit de la destruction d’un édifice, d’une reconstruction sociale et sentimentale qui ne demandait qu’à s’élever. L’histoire du combat d’un homme bientôt mis à terre à force de déceptions accumulées et qui pour repartir, devra détruire derrière lui tout ce qu’il avait eu tant de mal à mettre en place.
Deux beaux portraits d’enfants, une Sandrine Bonnaire toujours efficace dans l’expression de la souffrance et un Eriq Ebouaney magnifique de force et de fragilité.
Francis Dubois
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