Nedjma, journaliste dans un quotidien algérien a décidé de mener une enquête sur les représentations du «Paradis» véhiculées par la propagande islamiste, les prédicateurs salafistes du Maghreb et du Moyen-Orient à l’aide de vidéos circulant sur Internet.

Mustapha, un des collègues de Nedjma au journal, accepte de l’accompagner et de lui servir de chauffeur au cours de cette prospection qui va les amener à sillonner l’Algérie.

Cinéma : Enquête au paradis
Cinéma : Enquête au paradis

Le film qui en résultera est un documentaire de «création ».

Il ne pouvait être un pur documentaire puisque Nedjma, la journaliste qui est interprétée par la comédienne algérienne Salima Abada, devait exister et occuper dans le récit sa place de personnage fictionnel.

Mais, par ailleurs, «Enquête au Paradis» ne pouvait en aucun cas être une pure fiction car il fallait que des algériens anonymes ou connus sollicités pour témoigner puissent s’exprimer sur le sujet, réagir au visionnage des vidéos de leurs propres points de vue, avec leurs mots, leurs références, leur sensibilité.

A partir d’un canevas, Nedjma/Salima a mené, au hasard des opportunités, les entretiens en toute liberté, le metteur en scène et sa caméra ne s’en étant tenus qu’à une simple «présence technique» n’intervenant ni dans le choix des interlocuteurs, ni dans le contenu des entretiens.

Dans l’esprit et dans l’inconscient du spectateur, le personnage fictif de la journaliste devait se fondre au personnage réel.

Depuis «Bab El oued City» en 1993, «Harragas» en 2009, « Le repenti» en 2012 et jusqu’aux «Terrasses» , vingt ans plus tard, la filmographie de Merzak Allouache a suivi les différentes phases de l’histoire récente de l’Algérie, observé les tentations de la société algérienne, la prégnance grandissante de la religion.

Dans la vidéo du prédicateur salafiste qui s’adresse à un «public-victime-facile» compte tenu du peu de choses auxquelles les jeunes, notamment, peuvent se raccrocher pour garder la tête hors de ces influences, la promesse est faite d’un paradis peuplé de vierges à discrétion.

Un tel discours «religieux», mensonger et prometteur, fait des émules partout pour les mêmes raisons ainsi qu’en en France, où la population d’origine immigrée et ses enfants sont frappés par une profonde fracture identitaire.

Ces vidéos qui promettent un paradis (et qu’importe les connotations sexuelles et sexistes qu’elles véhiculent) à des jeunes vivant en France et qui subliment un pays d’origine où ils n’ont jamais vécu et où ils n’iront probablement jamais, sont une porte ouverte à toutes les dérives quand elles s’adressent de jeunes individus qui n’ont plus pour distraction qu’Internet, un espace d’où la réflexion est exclue, où la propagande est facile et redoutablement efficace.

Internet est pour beaucoup de ces jeunes, que ce soit en Algérie qui est devenue un désert culturel ou dans les banlieues des villes françaises où ils ont peu accès à d’autres divertissements, le seul moyen d’évasion, le seul moyen d’accéder à la musique, aux réseaux de drague, au porno ou… à l’Islam radical.

Ces médias sont des tribunes sans frontières où une seule petite vidéo salafiste peut faire des ravages sur le mental de milliers de jeunes en seulement quelques clics.

Pour éviter ces déviations et mauvais virages il y a comme barrages préventifs, la famille, l’école et le milieu associatif.

Avec la complicité de la magnifique Salima Abada et l’implication des intervenants, Merzak Allouache réussit un film-témoignage d’une grande force, une sorte de mise en garde, d’appel à la méfiance qui devrait être vu par tous, partout où de jeunes individus ont à réfléchir, dans les écoles, le collèges, les lycées, dans les associations de quartiers, de parents…

Francis Dubois


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