1915. La ferme du Paridier. Une mère et sa fille ont pris le relève des hommes partis au front. Courageuses mais peu expérimentées, elles travaillent sans relâche sous le regard d’un grand père dans l’incapacité physique de les aider. Leur temps est rythmé par l’enchaînement quotidien des travaux et par les rares et brefs retours des hommes en permission.
Hortense finit pas engager une jeune fille de l’assistance publique rompue aux travaux de la ferme dont l’efficacité fait très vite l’admiration de tous. Bientôt, Francine croit avoir trouvé la famille qu’elle n’a jamais eue…
Le roman éponyme d’Ernest Pérochon qui fut publié en 1924 avait séduit la productrice Sylvie Pialat. Elle en avait parlé à Xavier Beauvois. Mais « Les gardiennes» est resté pendant cinq ans à portée de main du réalisateur sans qu’il puisse se décider à lancer une adaptation.
Le roman de cet instituteur qui professait dans un village des Deux-Sèvres contenait trop de malheurs, trop de maladies, trop de morts et dans l’histoire imaginée par Ernest Pérochon, la présence d’enfants sur une période de quatre ans posait de gros problèmes de casting.
Si « Des hommes et des dieux » ne mettait en présence que des hommes, « Les gardiennes » est un film de femmes. Mais dans les deux, il est question d’une communauté et dans les deux, un décor unique, un monastère dans l’un ou une ferme dans l’autre, prennent une importance capitale.
Le sujet n’est pas très neuf et la question des femmes prenant le relais des hommes partis au front pendant la guerre a souvent été traitée au cinéma. Mais ici, Xavier Beauvois a considérablement réduit la dramatisation du sujet pour privilégier la vie des ces femmes dans lé périmètre de la ferme.
Le film ne cède à aucune facilité et gomme autant qu’il est possible tout débordement narratif. Les événements saillants sont absents jusqu’à ce qu’à cause d’un malentendu et du refus souterrain d’Hortense de voir Francine entrer dans la famille, celle-ci se voit remerciée et contrainte de quitter la ferme .
Dès l’instant du départ de Francine, le film prend un autre contour et la fin qui pourrait déconcerter au regard de tout ce qui a précédé, apporte au récit une sorte de bol d’air avec un décalage narratif audacieux.
On peut s’interroger sur les raisons qui ont amené Xavier Beauvois pour la mise en scène et Caroline Champetier à l’image, à nous proposer un film aussi attendu par son sujet et l’étonnante «beauté» de la photographie, par ces «chromos», ces crépuscules rougeoyants, ces options picturales.
La présence de comédiennes aussi inattendues dans un décor rural que Nathalie Baye grossièrement grimée ou de Laura Smet dans des tabliers-chasubles «couture» affaiblit la fresque paysanne.
Mais on peut tout autant retourner toutes ces faiblesses et les mettre à l’avantage du film et se dire, que pour contourner le danger que représente le cliché dans ce genre de film, Xavier Beauvois et Caroline Champetier ont pu opter pour des excès avoués…
C’est au choix…
Francis Dubois
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