Olga est une aristocrate russe qui a émigré en France. Quand la seconde guerre mondiale éclate, elle entre dans la résistance.
Jules, époux et père de famille modèle, est officier de police. Il a choisi sans trop s’interroger mais sûr de faire le bon choix, de collaborer avec le régime nazi.
Helmut, jeune homme de la noblesse allemande, séduit par l’idéal d’une société de «surhommes» devient officier SS dans un camp de concentration.
Les trois destins s’entrecroisent. Chacun devra-t-il répondre de ses actes au moment du jugement dernier pour avoir droit ou non à son entrée dans le paradis ?
Le paradis serait-il le monde meilleur pour lequel Olga, en rentrant dans le résistance, a renoncé à ses privilèges d’aristocrate ?
Serait-il lié au confort moral et économique qui confirme Jules dans le fait qu’il a fait le bon choix en collaborant avec l’ennemi ?
Le paradis serait-il enfin, ce monde dont seraient exclus les espèces humaines jugées inférieures et où ne subsisteraient plus que des êtres répondant à critères rigoureux de perfection physique et morale ?
Le film d’Andreï Konchalovski apparaît comme un avertissement.
Pour lui qui cite des déclarations de Karl Jaspers, si les camps de concentration ont existé, ils peuvent de nouveau exister et les signaux clignotants de les voir réapparaître un jour ne manquent pas avec le racisme galopant, la peur de l’étranger entretenue par les médias et les nouveaux points que marquent les partis d’extrême droite à chaque nouvelle élection en Europe.
Et pour lui, seule la mémoire peut empêcher que cela recommence, le danger étant dans le déni, l’oubli et le refus commode de croire que cela est réellement survenu.
« Paradis» retrace le cheminement de l’engagement des trois protagonistes et de leurs comparses satellites. Est-il le fait du hasard, le fruit d’un concours de circonstances ? Les faits relatés dans chacun des épisodes composent la trame du récit global et amènent doucement aux questionnements.
Celui de savoir pourquoi un père de famille aimant, sûr de sa bonne foi et de son humanisme, fait le choix de collaborer avec les nazis.
Celui qui amène un noble allemand très éduqué à adhérer à un système de pensée déshumanisant.
Celui qui pousse une aristocrate russe menant un vie de château à sacrifier sa liberté pour aller au secours d’autrui.
Si Konchalovski avec son film, pose ces questions, il n’apporte pas de réponse sans doute pour mieux amener le public qui le verra à trouver ses propres réponses à la lumière d’un vingtième (vingt et unième) siècle de tous les dangers, à la fois marqué par le renforcement d’un confort bourgeois et celui d’une misère extrême, tous deux marqués par la mise en place d’idéaux destructeurs qui menacent.
Le film a été tourné en noir et blanc dans une atmosphère silencieuse permettant de créer une esthétique documentaire et pour donner au spectateur, avec les confessions face caméra de chacun des protagonistes, l’impression qu’il voit des images d’archives.
Un film nécessaire, efficace. Une œuvre forte.
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu