Christian est un homme divorcé qui aimerait consacrer plus de temps à ses deux jeunes enfants.
Conservateur d’un musée destiné à exposer des œuvres d’art contemporain, il appartient à cette catégorie d’individus soucieux de la santé de la planète qui ont opté pour une voiture électrique et qui soutiennent les grandes causes humanitaires.
La prochaine exposition est intitulée « The square» . La pièce maîtresse a pour objectif d’ inciter les visiteurs à l’altruisme en les rappelant à leur devoir vis-à-vis de leurs prochains.
Mais il est parfois difficile de respecter totalement les valeurs dont on a fait sa ligne directrice de vie et quand Christian se fait voler son téléphone portable, sa réaction qui l’honore guère, le surprendra lui-même.
Au même moment, l’agence de communication du musée lance une campagne pour l’ouverture de «The square» . L’accueil totalement inattendu va plonger Christian dans une profonde crise existentielle…
Le «Carré» est une installation qui symbolise un tournant dans la vie en Suède, un pays considéré jusque là comme un modèle d’égalité. La singularité de l’œuvre exposée et son mince pouvoir attractif ne la réserve qu’à un public limité, une élite d’amateurs d’art très avertis.
En 2008, apparaissait en Suède, le premier «quartier fermé», un lotissement sécurisé auxquels seuls les propriétaires pouvaient accéder.
C’était le premier signe à témoigner que les classes privilégiées se réfugiaient dans un individualisme qui avait déjà gagné les sociétés européennes en creusant de plus en plus un fossé entre les riches et les pauvres.
La Suède est donc rentrée dans le cercle de ces schémas.
Un chômage grandissant et la peur pour les classes intermédiaires de voir leur statut social décliner ont amené les gens à se méfier les uns des autres et à se détourner de la société et à se replier sur eux-mêmes.
Et alors que la Suède connaissait la solidarité, notamment dans les lieux publics, le film « P l ay» du réalisateur mettait à jour l’indifférence des uns vis-à-vis des autres, ce qu’en psychologie sociale on appelle «effet du spectateur» ou «apathie des témoins» prouvant que le probabilité d’aide à une personne en difficulté est inversement proportionnelle au nombre de témoins en raison d’une dilution de la responsabilité.
Le Christian du film de Ruben Östlund comme beaucoup d’entre nous, se retrouve un jour confronté à ses contradictions et lui, dont le penchant naturel était de faire confiance à son prochain, va devoir réviser les valeurs morales qu’il défend.
Il suffira pour ébranler ses certitudes profondes d’un simple incident du quotidien : le vol de son téléphone portable par un individu qui semblait solliciter son aide.
Le film raconte le vol en éclats des valeurs sur lesquelles reposait la vie du personnage et cet incident mineur qui va, en un instant, le renvoyer subitement à ces contradictions.
«The square» ce carré nettement délimité a été conçu comme un idéal de consensus censé gouverner la société pour le bien de tous . Il est devenu une installation permanente sur la place centrale de Varnamo, un lieu aux valeurs altruistes, fondé selon l’éthique de et à l’intérieur duquel on est tenu d’agir ou de réagir si quiconque a besoin d’aide.
Le film fonctionne selon le point de départ d’un incident mineur pour s’engager dans une spirale où toute la société est mise en cause.
Il associe l’intime, le désarroi d’un personnage qui ne tarde pas à gagner son entourage à un regard plus global sur le fonctionnement de tout un pays.
La Palme d’Or contestée à Cannes est pourtant bien méritée pour couronner cette œuvre originale et pleine d’imprévus cinématographiques savoureux ou inquiétants et qui pose un regard sans concessions sur les dérives de nos sociétés.
Francis Dubois
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