Le 31 mars 2016, place de la République à Paris, naît le mouvement «Nuit Debout».
Ce seront, au quotidien et pendant trois mois, des rassemblements pacifistes qui ne sont pas des manifestations de colère mais une sorte d’élan républicain en réplique à la politique déviante d’un gouvernement qui déçoit et à l’évolution d’un monde dans lequel on se reconnaît de plus en plus mal.
Un mouvement citoyen pur avec tout ce qu’il a pu avoir de fragile, n’ayant aucune ossature et qui posera sans y répondre la question «Comment parler ensemble sans parler d’une seule voix ?».
Dès le 1er avril, Mariana Otero est sur place avec une caméra. Elle ne sait pas vraiment ce qui se passe mais elle entrevoit un événement qui mérite d’être raconté.
Plusieurs mois après le attentats, la place de la République qui a été un lieu de deuil, devient un lieu de résistance, de réflexion et d’échanges.
Il n’y aura pas eu, pour le film qui se prépare et qui se précise chaque jour un peu plus, de projet écrit préalable, aucun temps de préparation mais pas non plus le temps d’envisager un financement en amont.
Quelques questions que se posait la réalisatrice allaient servir d’ossature au projet : comment le collectif accueille l’individu, quelle place lui est réservée, de quelle façon peuvent se conjuguer le singulier et le pluriel.
Aucun des personnages filmés dès le début n’allait devenir un personnage récurrent et cependant la différence et la singularité de chacun étaient reconnues. Mais s’intéresser à l’un des membres d’un des groupes plutôt qu’à un autre était totalement inadapté à ce qui se passait.
Sur la place de la République, la seule «unité de mesure» était « la commission », ces rassemblements au milieu du rassemblement qui en choisissant des thèmes de discussion semblaient être en quête de la raison profonde de cet élan citoyen.
Et le vrai héros du film devient «l’assemblée», la parole et la circulation de la parole, sa transmission, sa transformation. Ce sont ceux qui écoutent autant que ceux qui parlent, le silence attentif autant que la prise de parole.
Le film de Mariana Otero est la captation de ces hésitations, du désir jamais abouti d’arriver à une vraie finalisation, du recommencement chaque jour nouveau des mêmes tentatives de structurer le discours pour voir éclore une piste, se dessiner le but de ces palabres, pour voir naître un renouveau de la démocratie.
Le film est ponctué par des interventions policières, un travail de sape conduit par les forces de l’ordre qui, se livrant soit à des tentatives d’intimidation, soit à des violences, cherchent sans doute, par des actes de provocation, à donner lieu à des incidents propres à discréditer le mouvement.
«L’Assemblée » , en dépit des conditions de tournage est un film totalement abouti, solidement construit, bénéficiant d’une très belle photo et qui aura une double «destination». Ce sera un témoignage qui aura valeur de document historique sur cette période de confusion sociale et de maladresse politique qui aura marqué la fin du quinquennat bancal de François Hollande.
Le film rendra compte de ce que fut un mouvement qui refusait d’être récupéré et qui, faute de leader, s’est délité….
A voir absolument.
Francis Dubois
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