Sur l’île irlandaise d’Inishboffin, on est pêcheurs de père en fils.
La pêche artisanale qui a fait vivre des générations de pêcheurs respectait la mer et la survie des espèces en s’alignant scrupuleusement sur les saisons.
La pèche au saumon fut la plus productive, celle qui permettait d’équilibrer les budgets des familles des pêcheurs sur une année en l’associant à celle des crabes, des homards et de quelques autres espèces intermédiaires.
Mais une nouvelle réglementation de l’Union européenne vient priver John O’Brian et ses collègues de leur mode de vie ancestral quand elle interdit la pêche au saumon en mer au prétexte qu’elle nuit au système migratoire de l’espèce. «La mer ne peut pas nourrir tout le monde, il faut faire des choix ». Et on devine facilement vers où vont les choix. La préférence et les décisions prises en haut lieu vont favoriser la grosse pêche, laisser sur la touche la pêche artisanale et mettre sur le flanc les petits pêcheurs.
John O Brian qui n’avait au départ que peu de dispositions pour devenir un leader, va cependant prendre la tête d’une croisade pour faire valoir le simple droit des autochtones à vivre de leurs ressources naturelles.
En réussissant à fédérer ONG, pêcheurs de toute l’Europe et simples citoyens directement concernés ou pas, John va entreprendre un travail de longue haleine : braver pendant huit années les lobbies industriels et démontrer que, des côtes du Donegal aux couloirs de Bruxelles, une autre Europe est possible.
Loïc Jourdain et la productrice du film avaient été intéressés par la personnalité de John O Brian, en l’entendant simplement s’exprimer à la radio.
Il s’est très vite imposé comme le personnage idéal d’un film sur le devenir de la pêche artisanale.
En s’emparant de cette histoire, Le réalisateur n’avait aucune idée de la tournure que les choses allaient prendre qui plus est, dans une Irlande qui entrait à ce moment-là, dans une grave crise économique. L’essentiel était de réussir à suivre du plus près possible le même homme sur une durée très longue, de renouveler sans cesse l’intérêt de leur collaboration.
«Des lois et des hommes» permet de pénétrer dans les rouages de la machine législative européenne à travers le regard d’un homme qui tente modestement mais avec détermination et sûr de son «bon droit», de ne pas se laisser engloutir par celle-ci.
Et nous découvrons à travers le film, avec John O’Brian, que le Parlement décrit par les politiciens et les médias comme une tour d’ivoire, impénétrable et incompréhensible, est un lieu démocratique largement ouvert aux citoyens et à tous ceux et celles qui souhaitent participer aux débats, écouter, intervenir.
Il est possible que la présence de la caméra ait agi sur la pugnacité avec laquelle cet homme, discret et pudique, s’est mis à affronter les technocrates de Bruxelles.
Mais peut-être que l’humilité du personnage lui a servi de bouclier naturel et lui a permis d’être apprécié à Bruxelles et au sein du gouvernement irlandais.
Le film est le résultat de cinq cents heures d’images et de six mois de montage qui ont été nécessaires pour parvenir à capturer, ranger, transcrire, traduire et organiser toute cette matière.
Un documentaire remarquable…
Francis Dubois
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