Dans le dossier de presse de «Happy-end», le synopsis du film se résume à une phrase: «Tout autour le monde et nous au milieu, aveugles». Une seconde phrase vient en complément:«Instantané d’une famille bourgeoise européenne».

C’est peu et pourtant ce résumé succinct recouvre l’histoire de ce film qui est une chronique familiale, celle d’une grande famille bourgeoise à la tête d’une importante entreprise du bâtiment.

Le film débute avec un accident de chantier qui a coûté la vie à un ouvrier. L’accident ne donnera lieu qu’à une enquête succincte dont l’approfondissement aurait pu déceler des négligences coupables de la part des responsables.

Mais la puissance de la famille Laurent, sa fortune, sa respectabilité la mettent à l’abri d’avoir commis la moindre entorse au règlement de sécurité.

Le grand père veuf et vieillissant est las d’en être réduit à une vie végétative. Anne, sa fille est seule à assurer désormais la direction de l’entreprise familiale, son frère Thomas, médecin, ayant passé la main. Celui-ci à la suite de la mort de sa première épouse et tout jeune père, voit ressurgir dans sa vie, Eve sa fille, une adolescente observatrice et mutique.

Un couple de domestiques nord-africains, dévoué à la famille, vit sous le «luxueux» toit de la demeure familiale.

Les allées et venues de chacun dans la maison engourdissent l’atmosphère et c’est entre l’aïeul et sa petite fille que va se tisser une réelle complicité…

Cinéma : Happy end
Cinéma : Happy end

«Happy-end» est la quatrième collaboration de Michaël Hanecke avec Isabelle Huppert et la seconde collaboration du réalisateur avec Jean-louis Trintignant.

Dans « Amour » son précédent film, Isabelle Huppert tenait le rôle épisodique de la fille de Jean-Louis Trintignant. Leur prestation reprend cette filiation et les douloureux derniers moments que le patriarche a vécus auprès d’un épouse qu’il a assistée jusqu’au dernier souffle.

L’ombre d’Emmanuelle Riva rôde même si sur les photographies de la défunte qui apparaissent dans le film, c’est un autre visage qui apparaît.

«Happy-end» est en surface un film lisse qui trace le cheminement routinier de chacun des membres d’une famille comme une autre. Mais ce sont juste derrière les apparences que sont enfouis les secrets, les blessures, les anciennes cicatrices et la cruauté sourde du film de Michaël Haneke.

A travers le personnage d’Eve, la petite fille dont la politesse et la docilité dissimulent les sentiments profonds, la violence, la cruauté et le mystère apparaît ce qui marque la plupart des films de Michaël Haneke. Chez cette enfant se heurtent les signes d’un éducation rigide bourgeoise qui taisent sentiments et états d’âme, mais ne neutralisent jamais complètement les élans retenus de révolte sourde.

Sans jamais s’appesantir mais avec une certaine efficacité, Michaël Haneke aborde les problèmes sociétaux, le racisme «innocent» ou l’existence, jamais très loin de nous, d’immigrés.

En une seule phrase, il dénonce le paternalisme vis à vis des domestiques étrangers et lors d’une scène-choc, le rejet poli mais total des immigrés.

On a dit du film de Michaël Haneke au moment de sa projection officielle au dernier Festival de Cannes qu’il était décevant. Il se pourrait bien, pourtant que «Happy-End » compte parmi les œuvres les plus abouties du cinéaste

Francis Dubois


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