Jerry et Emma se retrouvent devant un verre deux ans après leur rupture. Leur embarras n’a d’égal que l’émotion de se revoir. Pendant des années, alors qu’une amitié sincère et de très longue date liait Jerry au mari d’Emma, il été l’amant de celle-ci.
La trahison de Jerry n’était supportable que dans la mesure où il était certain que Robert ne savait rien de la liaison coupable.
Mais voilà qu’il découvre que Robert était au courant et reproche au mari d’Emma de l’avoir trahi en lui cachant qu’il n’ignorait rien des rencontres des deux amants dans un studio qu’ils louaient aux fins de se rencontrer des après-midi entières. Il reprochera de la même façon à Emma de l’avoir trahi en lui taisant que Robert avait été mis au courant de leur liaison par ses soins.
Chacun des protagonistes manipule l’autre, se fit manipuler et tous les trois s’accommodent du mensonge et de la trahison amoureuse.
Harold Pinter avec un mélange de malice, d’humour et de cruauté renouvelait avec « Trahisons» qui fut créée au National Théâtre de Londres en 1978, le traditionnel trio vaudevillesque du mari, de la femme et de l’amant.
En neuf scènes, il reconstitue le puzzle d’une aventure où le faux-semblant, le mensonge et la trahison mènent la danse avec la perversion, l’indifférence et la lâcheté.
La pièce dont l’originalité est, avec le renouvellement d’un sujet éculé, une construction qui remonte le temps, sorte de ronde narrative à l’envers qui va des retrouvailles des anciens amants, jusqu’au moment de leur première rencontre et du coup de foudre mutuel.
Mais le jeu des ambiguïtés n’est pas seulement pervers et malicieux car au final il apparaît que c’est par amour que les protagonistes ont trahi et que c’est par amour qu’on accepte d’avoir été trahis.
La pièce de Pinter a été montée de nombreuses fois dans les théâtres parisiens depuis la mise en scène de Raymond Jérôme en 1982, celle de Samy Frey en 1984 ou plus récemment celle de Bélier Garcia avec des comédiens de la Comédie Française au Vieux Colombier.
Et il fallait à Christophe Gand, une certaine dose de courage pour reprendre «Trahisons» .
Mais le défi est relevé et sa mise en scène discrète, à peine gênée par des changements de décors inutilement chorégraphiés, donne toute sa complexité au texte et toute latitude aux comédiens qui donnent à leurs partitions, chacun dans son registre, un contour de drôlerie et d’émotion.
François Feroleto est superbement cynique. Gaelle Billaut- Danno toute en fragilité et détermination et Yannick Laurent compose un Jerry amoureux, lâche, lunaire, drôle et savoureux…
Un très agréable moment de théâtre et le public ne s’y est pas trompé, venu nombreux et enthousiaste…
Francis Dubois
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