A quatorze ans, Miguel doit prendre en charge le quotidien domestique, pallier aux manquements d’une mère instable et au chômage, fréquenter l’école vaille que vaille et se livrer à de petits trafics pour gagner un peu d’argent et améliorer de quotidien.
En conflit avec sa mère à qui il reproche son inertie, il redoute néanmoins de la laisser livrer à elle-même ; ce qui l’amène à jouer à cache-cache avec les services sociaux qui, pensant qu’il est en danger, voudraient le voir réintégrer le foyer où il est inscrit.
Face à la perspective imminente de l’internat, sa mère décide d’envoyer Miguel vivre dans un village voisin, chez Bogdan, un de ses anciens amants qui n’y est pas favorable, mais qui pourrait lui trouver un travail dans la petite entreprise où il emploie déjà son propre fils .
Le sujet du film d’Alberto Morais n’est pas très neuf : la vie d’un gamin à la maturité précoce que les circonstances et le climat familial instable plongent dans un constant état d’alerte et d’inquiétude, le comportement préoccupant d’une mère dépressive, instable et cependant aimante à sa façon.
Il ne restait plus au réalisateur espagnol que de renouveler, par le traitement, un projet exposé au risque d’aligner les clichés.
Il y parvient partiellement avec des personnages secondaires d’inspiration originale, par les atmosphères singulières qui apportent un climat particulier au récit et grâce à l’interprétation magnifique du jeune Javier Mendo et de Laia Marull qui joue sa mère.
La peinture qu’il dresse de ce milieu «ouvrier» en fin de course est réussie. La difficulté pour une femme de quarante ans sans spécialisation de trouver du travail, la précarité des emplois, la solidarité souterraine et bourrue des hommes qui, en dépit d’être à la tête d’une petite entreprise en péril, sentent la précarité les guetter.
Alberto Morais déjoue tous les écueils qui menaçaient le récit mettant en présence un garçon livré à lui-même et une mère en perdition.
Dans son film, aucun misérabilisme, les émotions sont cadenassées et les élans de générosité n’apparaissent que dans les faits.
Dans les turbulences d’une existence chaotique, l’adolescent garde une sorte de dignité et veille à ce que sa mère garde la tête haute. Il semble même que Miguel commette des écarts de conduite pour permettre à cette mère à la dérive de continuer à jouer son rôle auprès de lui.
«La madre» repose sur le duo de personnages opposés et complices pris dans la tourmente mais dont l’amour l’un pour l’autre est dans les actes, jamais dans les mots.
C’est un film rugueux sur la misère apprivoisée, devenue coutumière de notre société cruelle et ravageuse.
Un film rugueux mais généreux. La peinture sans concession d’un monde sacrifié et affaibli réduit à la marginalité
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu