Dacca est une ville du Bangladesh en pleine expansion. Roya en est une habitante. Elle est une comédienne de trente ans qui se retrouve face à une dure réalité.

Le metteur en scène pour lequel elle joue le même personnage depuis des années a choisi une autre actrice, plus jeune, pour lui succéder dans le rôle.

Confrontée à une situation à laquelle elle ne s’attendait pas, elle va devoir reconsidérer sa vie, sa conception de l’art théâtral ainsi que sa place dans une société à domination masculine.

«Les lauriers roses rouges» offre un magnifique portrait de femme en peine renaissance.

Lorsque Rubaiyat Hossain a voulu réaliser un film sur le Dacca contemporain, elle a immédiatement été séduite par la pièce d’un auteur fondamental de la renaissance Bengalie, Rabindrananh Tagore « Les lauriers roses rouges» dont le sujet constituait un arrière-plan parfait à son projet.

Sa pièce a été éditée en 1926, une époque où le monde entier célébrait l’ouverture à l’industrialisation. Tagore qui était hostile à cet engouement, décida de s’attaquer à l’industrialisation et au capitalisme.

Dans le film, il s’agit de l’industrie textile au Bangladesh, une industrie où les ouvriers travaillent jour et nuit pour des sociétés européennes et américaines de sorte qu’il ne rencontrent jamais celui et ceux pour lesquels ils travaillent.

Ces ouvriers périssent dans des effondrements d’immeubles construits à la hâte ou dans des incendies provoqués par des installations précaires.

Si l’arrière-plan politique de la pièce de Tagore reste intact, Rubaiyat Hossain a introduit dans son scénario des personnages féminins pour souligner à quel point le parcours des femmes de la classe moyenne au Bangladesh est ambitieux en dépit du poids des traditions .

Si, en apparence, elles semblent libérées et émancipées, elle doivent faire face à un plafond de verre et une force de domination silencieuse de la part de la famille avec comme règle de vie, la domesticité et la maternité.

«Les lauriers roses rouges» est un film courageux sur le sujet sensible de l’émancipation des femmes et le choix, pour l’héroïne du film, de privilégier sa réussite personnelle au détriment du mariage ou de la maternité.

Si le film est convaincant tant dans sa construction, son traitement narratif que sur le plan cinématographique, on peut, en tant que public occidental, ressentir une petite frustration quand on perçoit sans pouvoir les détecter, ce que les différences culturelles nous privent de subtilités narratives…

Cinéma : les lauriers roses rouges
Cinéma : les lauriers roses rouges

Etre une femme réalisatrice au Bangladesh est un véritable défi. Si une dizaine d’entre elles dans l’histoire du pays se sont risquées dans l’aventure, elles n’ont fait qu’un film et ont disparu.

Rubaiyat Hossain fera-t-elle exception ?

«Les lauriers roses rouges» est sorti au Bangladesh et son travail a été reconnu aussi bien par le public que dans le milieu du cinéma.

Le film a eu beaucoup de succès auprès du public féminin et l’organisation « Les droits des femmes» a remis à la réalisatrice, un prix spécial qui récompense autant la militante que son œuvre cinématographique aboutie.

Francis Dubois


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