Ali et Ibrahim, deux habitants du Caire, ville de plus en plus écrasante, souffrent de vivre dans le bruit et le chaos.
Ali, de nature joviale et insouciante voue un amour inconditionnel à sa chèvre qu’il appelle Nada, du nom de sa fiancée morte accidentellement. Car il est persuadée que l’âme de la défunte habite le corps de l’animal.
Ibrahim, un ingénieur du son, musicien polyvalent, perd son emploi et ne joue plus d’aucun instrument depuis qu’il souffre d’acouphènes.
Les deux hommes, des marginaux chacun à sa façon, se rencontrent et entreprennent ensemble, en compagnie de Nada, un voyage thérapeutique qui les conduira d’Alexandrie au Sinaï et dont ils ignorent qu’il va les conduire à la découverte de l’autre et d’eux-mêmes et à les préparer à retrouver sur d’autres bases, la grande ville.
«Ali, la chèvre et Ibrahim» est un conte sur l’amitié, la violence et l’intolérance du monde contemporain qui règnent dans les grandes villes. Mais on peut voir également dans le film de Sherif El Bendary une métaphore politique et poétique.
L’arrière plan politique du film réside dans les premières séquences avec le goût du pouvoir des policiers qui choisissent de s’acharner sur un pauvre bougre dont le «crime» est de se balader avec un ours en peluche plutôt de d’aller au secours d’une fille dans une voiture aux prises avec plusieurs hommes ; avec le refus de ses employeurs de tenir compte de la maladie dont souffre Ibrahim.
Ali et Ibrahim sont deux êtres candides qui, pour ne pas être dans les normes, passent aux yeux des autres pour des fous.
La candeur des deux protagonistes du récit est assortie d’un déroulement narratif et d’une mise en scène tout aussi naïfs.
Au cours du voyage, Ali et Ibrahim vont apprendre à se connaître au prix de moments d’opposition, de moments de rapprochement prudents et, à partir d’une meilleur connaissance de l’autre, se découvrir eux-mêmes et affronter, pour les dépasser, les traumatismes qui se plaçaient en obstacles à leur épanouissement..
Sherif El Bendary a une grande empathie pour ses personnages et c’est au hasard de rencontres nouvelles, d’égarements, de retrouvailles à chaque fois plus réparatrices de leurs relation, qu’il amène son film jusqu’à sa dimension onirique, un envol narratif qui révèle la nature de son récit et donne à cette œuvre tout son relief.
Cet aboutissement, s’il ne les justifie pas totalement, efface les maladresses de la mise en scène, la naïveté du récit qui peuvent alors apparaître comme un choix délibéré, annonciateur de la conclusion du film.
«Ali, le chèvre et Ibrahim» prend toute la dimension du conte avec la présence de l’animal dont la seule existence provoque de l’intérêt et de la sympathie.
Un film rafraîchissant.
Francis Dubois
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