Ronan et Sifredi sont des frères jumeaux. Ils ont tout juste vingt ans.

Une enfance chaotique les a déjà conduits en centre de redressement pour mineurs puis en prison.

Ils sont devenus des marginaux vivant au jour le jour, trouvant refuge dans des lieux secrets, des souterrains, des squats ou à la lisière des bois sous des ciels nuageux, sous des plafonds aux pâles néons .

Ils improvisent leur vie. Ils inventent leur propre philosophie, leur langage, leurs codes.

Ils sont proches de ceux que Michel Foucault appelait les «apaches d’un jour», ces «blousons noirs» d’autrefois, ces «voyous» qui inspirent à défaut d’une vraie peur, une méfiance et font l’objet d’un rejet de la société.

Dans le film de Vincent Pouplard, il y a un désir de donner un autre visage à ceux qu’on range un peu vite sous l’appellation de délinquant comme si ce qualificatif avait la moindre valeur identitaire. Et le metteur en scène fait de sorte que ses personnages retrouvent corps, voix et pensées.

Cinéma : pas comme des loups
Cinéma : pas comme des loups

Vincent Pouplard a rencontré Ronan et Sifredi dans le cadre d’un atelier qu’il animait. Il a voulu prolonger cette rencontre et élaborer avec eux un projet.

Il s’agissait d’ouvrir une porte, de rendre possible une vraie rencontre avec des jeunes catalogués «hors la loi» alors qu’ils sont tout simplement hors normes.

Le metteur en scène a pris un risque qui très vite, tourne à l’avantage du film, celui de refuser de traiter les détails du passé et du présent de délinquants de Ronan et Sifredi afin de ne pas guider le spectateur dans une prise de position qui leur serait trop favorable.

Et ce qui est tu, caché, qui reste secret ou hors champ, place le spectateur en position de se mettre en mouvement avec les personnages.

Nul discours redondant ou simplement explicatif et il importe peu qu’on ne livre que très peu de renseignements sur les délits passés des jumeaux qui leur ont valu la maison de redressement et plus tard la prison ; sur leur enfance et sur leur ascendance.

Tout ce qu’il y a à savoir sur les deux frères et sur les personnages qui, à un moment, gravitent autour d’eux, est contenu en filigrane dans les dialogues, dans les gestes, dans les moments où ils s’affrontent, dans ceux où ils sont proches, dans leurs jeux, dans le ping-pong verbal qui est chez eux un exercice de prédilection.

Le voile est levé sur les personnages et Vincent Pouplard en leur apportant un éclairage nouveau, les réhabilite, les fait apparaître de séquence en séquence dans une normalité à peine décalée et peut-être une marginalité de surface.

Dans la magnifique scène finale au cours de laquelle les deux frères tentent une projection sur l’avenir en négatif, énumérant le liste de ce qu’ils ne seront jamais, si leurs propos sont sincères et pathétiques, ils contiennent à défaut de provocation, une large part de jeu et de surenchère.

Ce film court corrige de nombreuses idées reçues et donne de la délinquance une définition qu’il serait bon de prendre en compte pour ne jamais juger à l’emporte-pièce.

Ce film est une fenêtre ouverte sur un décor de lumières et à sa façon, un hymne à la liberté.

Francis Dubois


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