Félicité n’était pas destinée à porter ce prénom. Elle a été «rebaptisée» par ses parents, le jour où, alors qu’elle était frappée par une maladie qui avait toutes les raisons de lui être fatale, elle est revenue presque miraculeusement à la vie.

culture/cinéma
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Félicité, femme libre et fière, se produit comme chanteuse, le soir, dans un bar de Kinshasa.
Mais sa vie bascule le jour où son fils de quatorze ans, victime d’un accident de moto, est menacé de l’amputation d’une jambe s’il n’est pas opéré dans des délais brefs. Or, l’opération qu’il doit subir coûte cher et Félicité n’a pas le premier sou pour faire face à la facture de l’hôpital.
Pour sauver son fils, Félicité se lance dans une course effrénée à travers les rues, les quartiers d’une ville où la misère se dispute au bruit et à la confusion dans un monde de musique et de rêves.
Parviendra-t-elle, par sa seule détermination, en frappant à toutes les portes, à réunir la forte somme d’argent que l’hôpital lui réclame.
Au cours de ses recherches, sa route va croiser celle de Tabu, un homme simple et généreux dont elle va petit à petit, apprécier les qualités.

Alain Gomis a écrit un très beau portrait de femme que relaie magistralement Vero Tchanda Beva, une actrice qui vient du théâtre populaire de Kinshasa et dont «Félicité» est la première apparition au cinéma. La comédienne, remarquable, offre au film d’Alain Gomis, plus qu’un personnage, une personnalité. Elle fait partie de ces femmes fortes qui n’acceptent pas la compromission, qui prennent tout de plein fouet mais ne cèdent pas sous les coups.
Son film est l’histoire du retour à la vie d’un personnage dont la comédienne qui l’interprète dit qu’il est à moitié mort et à moitié vivant.

Kinshasa offre un cadre idéal pour raconter la quête humiliante à laquelle est réduite Félicité pour réunir la somme nécessaire à l’opération avec tout ce que cet exercice comporte de revers et d’humiliations. La ville offre à la fois un décor au quotidien ordinaire de cette femme et à la tragédie où elle s’élève mais dont il lui faudra affronter les contraintes.

Vero Tchanda Beva est magnifique. Les expressions sont absentes de son visage et tout, dans ses postures, dans son comportement, relève de l’impénétrable. Il peut y avoir, dans le «verrouillage» des sentiments, dans le masque qu’elle offre à voir, autant de signes de faiblesse que de signes de force, autant de puissance que de vulnérabilité. Et ce jeu dramatique intense dans ce pays qui a connu la colonisation, la dictature, la guerre, les pillages donne à l’ensemble des personnages du récit, sans structure pour les soutenir, une dimension presque mythologique.
Pour Alain Gomis, ne pas avoir la possibilité d’aimer sa vie est une des plus grandes violences qui soit et Félicité a besoin de tout perdre pour s’autoriser à rebondir, à aimer et à être aimée.

Dans les dernières minutes du film, le sourire qui s’inscrit enfin sur le visage de Félicité est une victoire pour elle et une sorte de récompense pour le spectateur.
«Félicité» est sans doute le film le plus fort et le plus abouti d’Alain Gomis.
Francis Dubois


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