Pour Radu, jeune et ambitieux journaliste, le moment est venu de se faire un nom au sein de la presse internationale.
Lorsque deux roumaines mineures, enlevées à des fins de prostitution, sont rapatriées de France, il est engagé comme fixeur auprès de l’équipe d’une chaîne de télévision française dirigée par un journaliste reconnu.
Son rôle consiste à établir les contacts nécessaires pour obtenir une interview avec celle des deux jeunes filles qui, à quatorze ans, a osé porter plainte contre son souteneur.
Les obstacles seront nombreux, provenant tant de l’entourage de la jeune fille que de la jeune fille elle-même, que des dissensions qui vont naître au sein du trio des journalistes.
Le film d’Adrian Sitaru repose sur le personnage de Radu.
Contrairement aux deux autres journalistes, celui-ci est défini par son ambition professionnelle mais également par sa situation personnelle : la famille qu’il vient de créer avec une nouvelle compagne et le petit garçon de celle-ci qui lui est hostile et qu’il s’est promis « d’apprivoiser » en l’accompagnant dans les compétitions de natation auxquelles il participe.
Personnage charismatique, Radu est un manipulateur.
A des fins professionnelles, il va convaincre une équipe de télévision de le suivre dans l’interview d’une jeune fille roumaine. Il espère que cet entretien percutant va lui faire gravir les échelons de la notoriété.
Avec l’équipe de télévision française qu’il intègre, il va, face aux difficultés qui se multiplient, montrer la même pugnacité avec laquelle il pousse le fils de sa compagne vers le succès sportif.
Pourtant, le personnage central du film d’Adrian Sitaru n’est pas qu’un homme ambitieux soucieux de sa réussite professionnelle et sa façon de se comporter au fil du récit en fait un être beaucoup plus complexe qui, pour arriver à ses fins, doit combattre ses doutes et, plus tard, ses scrupules.
La façon dont le comédien Tudor Aaron Istodor interprète sa partition accompagne
magnifiquement le personnage de Radu avec, à égalité, un mélange de force, de détermination, de fragilité et de doute. Sa longue silhouette presque frêle le tiendrait presqu’à l’abri de ses ambitions. Et pourtant c’est lui qui, à chaque fois que le projet d’interview est en péril, le récupère avec des arguments nouveaux et manipulateurs.
Le fil rouge du récit est le suspense concernant l’interview. Les obstacles seront-ils à chaque fois franchis pour qu’elle ait lieu ? Mais Adrian Sitaru et notamment en se servant des deux autres personnages, y introduit des moments de franche détente savoureux et bon enfant.
“Fixeur” est à la fois un témoignage sur a Roumanie, un film éminemment politique et une oeuvre d’un grande sensibilité, pleine d’émotion.
C’est bien sûr aussi, un film sur les dessous du journalisme, sur les tractations en sous-main nécessaires pour arriver à boucler un sujet.
Tant pis si, pour parvenir à leurs fins, le journalistes dont c’est le travail, passent outre les limites du respect de l’individu, de la décence…
Une oeuvre rigoureuse, efficace, passionnante.
Francis Dubois
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