Claire est une sage-femme toute dévouée à l’exercice de sa profession dont elle a fait un sacerdoce. Elle ne compte ni sa peine, ni son temps et semble avoir relégué le reste de sa vie au second plan de ses préoccupations. Son fils, étudiant en médecine, vole maintenant de ses propres ailes et elle semble avoir tiré un trait définitif sur la possibilité de toute rencontre sentimentale.
Sa préoccupation du moment serait plutôt la prochaine fermeture de la maternité au profit de l’ouverture d’une « usine à bébés » où elle sait qu’elle ne trouvera jamais sa place.
Le reste de sa vie serait tout tracé si, un beau jour, ne réapparaissait Béatrice, l’ancienne maîtresse de son père, femme fantasque aussi imprévisible que Claire, peut être pragmatique et organisée.
Béatrice serait-elle réapparue dans la vie de Claire si elle n’était menacée par un cancer qui semble trop avancé pour être traité et si, face à la mort, elle ne s’était retrouvée en situation de grande solitude et réduite à payer son tribut à son insouciance….
Marin Provost déclare vouer un admiration sans limite à la profession de sage-femme. II dédie d’ailleurs son film et à celle qui, lors de sa naissance, lui a sauvé la vie avec une transfusion sanguine in extremis.
Son admiration pour les sages-femmes saute aux yeux puisque le film commence avec un accouchement, que de nombreux autres émailleront le récit et que la dernière naissance enregistrée dans l’établissement avant fermeture définitive sera l’enfant d’une jeune mère à qui autrefois Claire a sauvé la vie en acceptant de lui donner son sang.
Martin Provost a bâti son scénario à partir d’une distribution idéale et en attribuant à deux « monuments » de notre cinéma des personnages contrastés s’il en est dont Catherine Deneuve et Catherine Frot s’acquittent avec bonheur mais sans créer pour autant la moindre surprise.
L’une (la fourmi) est rigoureuse, pragmatique, austère, prévisible, plus généreuse qu’il n’y paraît et l’autre (incorrigible cigale) est fantaisiste, joueuse, avec une forte dose d’égoïsme. Leur retrouvailles trente années après s’être connues vont finir pas se solder par un rapprochement affectueux et la transformation des deux personnalités.
Lorsque, comme c’est le cas pour cette « Sage-femme » un cinéaste prend le parti d’une histoire cousue de fil blanc, il faut que le traitement soit rigoureux, qu’il ne sombre pas à tout bout de champ dans des opportunités et dans une trame narrative lisible dès le départ.
Au lieu d’une rigueur dramatique, Martin Provost se contente d’amener ses deux personnages – et d’autres qu’elles entrainent dans leur sillage – dans la règle du pur contraste de personnalités.
Le talent des deux comédiennes aidant, il parvient sans toutefois réussir, à être tout à fait convaincant, une comédie teintée de social (la fermeture d’une maternité à dimension humaine au profit d’une « usine à bébés », l’individu qui a brûlé sa vie par les deux bouts et qui se casse le nez sur l’âge et la maladie…)
Olivier Gourmet est l’homme généreux et délibérément optimiste qui fera, un peu contre elle-même, le bonheur de Claire qui, à défaut d’exercer une profession devenue inhumaine, va devenir jardinière et partager avec le nouvel homme de sa vie, le plaisir de cultiver bio.
Martin Provost dont la prometteuse « Séraphine » laissait présager l’arrivée d’un cinéaste novateur et qui s’était déjà fourvoyé dans une approximative « Violette » (d’après l’histoire de Violette Leduc) aura eu ici un mérite, celui pouvoir réunir sur la même affiche, deux grands noms de l’écran…
Francis Dubois
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