Après vingt ans passés sans donner de ses nouvelles, Samir un ancien milicien que tout le monde tenait pour mort, réapparaît dans la vie d’Omar son petit frère devenu vigile à Beyrouth.
Entre drame et comédie, burlesque et moments d’émotion, Samir doit se confronter à la réalité d’un pays qui ne lui appartient plus.
La guerre civile qu’a connu le Liban, bien qu’elle ait pris fin il y a vingt ans, est un thème récurrent de son cinéma.
Cette guerre civile a marqué toute la population mais peut-être plus particulièrement la génération du réalisateur, ceux qui, comme lui sont nés dans les années qui ont suivi le début du conflit qui s’est soldé par plus de 200 000 morts.
«Tombé du ciel» n’aborde pas le sujet des répercussions de la guerre sur la population libanaise de façon frontale mais au contraire, d’une façon décalée qui en fait sinon une sorte de fable, du moins un récit chaotique et souvent imprévisible.
La guerre revient «en creux» dans le Liban contemporain du film avec des personnages qui ont tenté, sans y parvenir, d’enfouir la guerre au fond d’eux-mêmes.
Ce refoulement se manifeste chez l’individu par des réactions ponctuelles et non contrôlables de violence ou, au contraire d’apathie au moment où il faudrait agir.
Le film de Wissam Charaf nous place dans cette zone en perpétuelle menace d’explosion qu’est le Liban aujourd’hui, un pays qui n’est pas en paix avec son passé et dont la population impatiente et bipolaire est en proie à tous genres d’extrêmes.
Le chaos où se démène le Liban aujourd’hui vient du fait qu’il n’y a pas de travail de mémoire et que la préoccupation première a été, au contraire, d’oublier.
Les deux frères souffrent à des degrés différents de ce défaut de mémoire qui fait qu’ils sont prisonniers du cadre que constitue l’héritage de la guerre civile.
Et lorsqu’ils parviennent à trouver une place dans ce cadre, c’est une place discutable, non satisfaisante qui les propulse dans une zone trouble.
L’un et l’autre fonctionne différemment dans ce cadre.
Samir, prisonnier de son passé n’arrive pas à faire sa vie dans un présent qui le rejette et ce n’est qu’à la fin du film qu’il parviendra à quitter le champ, mais il le fera de la même façon douloureuse qu’il y est entré, au début du récit.
De son côté, Omar, déjà dans le cadre depuis sa première apparition, est prisonnier de son quotidien morose. Sa stature, son mutisme, ses accès de violence donnent à son personnage un ancrage dans le présent.Mais il est prisonnier du passé. Il s’approprie une existence qui aurait pu être la sienne dans un espace-temps fantasmé s’il était né quelques années auparavant, s’il était plus sûr de lui, s’il savait …remonter les pièces d’une arme.
Le film de Wissam Charaf alterne des tonalités narratives contrastées. Il oscille sans cesse entre deux émotions : rire et tristesse. Et s’il est teinté d’un obscur désespoir et d’un ton de dérision comique, il est souvent dans le burlesque et parfois dans le trivial.
Mais pas plus la veine comique que la veine dramatique du récit ne sont exploitées. Il y a dans le rythme, une sorte de malin plaisir à casser l’effet avant qu’il ne déborde et ceci, sans que le fil narratif n’en pâtisse .
« Tombé du cie l» est un curieux «objet» cinématographique où tout, au premier abord, semble gratuit mais dont on découvre au fur et à mesure, la profondeur.
Francis Dubois
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