La metteure en scène Célie Pauthe a, dès la parution du roman, souhaité l’adapter pour le théâtre, ce qu’a accepté de faire Christine Angot. L’auteure a choisi de mettre en relation la mère et la fille, qui s’appelle vraiment Christine, aux différents âges de la vie, l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte, de l’appartement de la ZUP à Châteauroux dans les années soixante à celui de Reims dans les années soixante-dix, où se déroule le drame, puis à Paris dans les années 2000. Le père, de bonne famille, polyglotte et très cultivé, a une aventure avec Rachel, juive d’un milieu social inférieur au sien, qu’il éblouit. De leur liaison naît Christine, qu’ils ont voulu tous les deux dit la mère. Mais le père ne peut envisager d’épouser une femme d’une condition inférieure à la sienne, juive de surcroît. Rachel elle, rêve que l’homme reconnaisse l’enfant. Lorsque passe la loi qui donne aux enfants naturels des droits, elle se rapproche de l’homme et il invite sa fille. L’enthousiasme et l’admiration pour ce père arrivé soudainement dans sa vie s’éteint tout à coup. Puis un ami révèle à la mère que le père viole régulièrement sa fille. Sa seule réaction est de tomber malade pour empêcher sa fille d’aller chez son père. Elle y pense sans cesse mais s’avère incapable d’agir et de parler à sa fille.

Théâtre : un amour impossible
Théâtre : un amour impossible

Christine (Maria de Medeiros) et sa mère (Bulle Ogier) sont en permanence sur scène, elles ne changent quasiment pas de costume. Ce face-à-face mère-fille fait penser à Sonate d’automne d’Ingmar Bergman. Il y a entre Christine et sa mère un amour immense qui perturbe tous les autres. Cette histoire ne les a pas séparées car Christine décrypte ce viol et l’attitude de sa mère comme une histoire de lutte des classes. Ce que la fille démonte pour sa mère, c’est la façon dont elle s’est laissée intimider socialement, elle n’a pas porté plainte car on ne l’aurait pas crue et elle n’aurait pas eu les avocats capables de la défendre. Christine explique son viol comme l’apogée de la transgression par un homme qui se sentait supérieur. « Ce qu’il m’a fait c’est pour te faire honte ». Célie Pauthe utilise la vidéo, sans excès, pour révéler des gros plans des visages si expressifs des actrices tandis qu’elles racontent certains événements de leur histoire. Bulle Ogier donne à son personnage le calme apparent d’une femme qui, comme elle le dit, n’a plus de larmes pour cet homme qu’elle a tant aimé, qui aime profondément sa fille mais, honteuse et écrasée par la culpabilité, a du mal à lui parler et préfère fuir en lui parlant des livres que Christine écrit. Elle est digne mais résignée. Maria de Medeiros est magnifique, petite fille récitant son poème de Paul Fort, sautant sur le lit après sa première visite à son père, femme qui renvoie sa mère car elle ne supporte plus de parler de banalités, écorchée vive quand elle finit par arriver à parler du viol à sa mère, se raidissant quand celle-ci lui dit « J’ai gardé intact le souvenir des bons moments (avec ton père), mais à partir de là je n’ai plus pu garder les belles choses dans ma mémoire ».

Il fallait deux grandes actrices pour faire passer sur la scène cette histoire d’amour impossible, une histoire d’inceste, à laquelle l’auteure donne une dimension sociale. Bulle Ogier et Maria de Medeiros le sont et elles créent une émotion très forte.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h, relâche exceptionnelle le dimanche 12 mars

Odéon-Théâtre de l’Europe

Ateliers Berthier

1 rue André Suarès (angle du Boulevard Berthier), Paris 75017

Réservations : 01 44 85 40 40

Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours


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