Dans une grande bâtisse, sans doute un ancien corps de ferme, loin de toute autre habitation à l’exception d’un château, vivent trois personnes : Neige, vingt ans, sauvageonne marginale, son fils Louis, cinq ans, enfant mutique dont on suppose qu’il est le fils du jeune châtelain et Héloïse, la grand-mère, femme autoritaire, brodeuse et rebouteuse.
Tous ces personnages ont un pied dans une réalité terrienne et l’autre dans une sorte de fantastique qui ne s’avoue jamais mais plane tout au long du récit.
Héloïse est-elle une vieille femme aigrie, la sorcière d’un conte, une magicienne capable de soulager les douleurs des éclopés et de réaliser de ses doigts de fée de magnifiques jetés de table en dentelle ?
Neige est-elle une simple d’esprit capable de se donner au premier venu, une princesse sous une apparence de souillon, une mère attentionnée qui raconte chaque soir des histoires à son fils ou une mère dénaturée infanticide ?
Ce sont les chaînons manquants du récit, la fille d’Héloïse, mère de Neige, et le père de l’enfant qui, par leur absence, fournissent au film de Sandrine Veysset sa coloration de conte. L’une interviendra sous l’apparence de la mort et l’autre assistera avec des regrets à l’apparition le jour de ses noces d’une Cendrillon gracieuse et voluptueuse.
Pour son film, Sandrine Veysset s’est inspirée d’un conte peu connu d’Andersen : « L a vraie histoir e d’une mère » dans lequel une mère part à la recherche de son enfant que la mort a emporté.
Depuis le magnifique film de ses débuts de réalisatrice « Y aura-t-il de la neige à Noë l », elle a toujours cristallisé ses sujets autour de la relation mère-enfant(s).
Cette fois-ci elle conduit cette relation à l’extrême et le portrait est celle d’une mère confrontée à l’impensable, la perte d’un enfant.
« L’histoire d’une mère » promène le spectateur entre réalisme rural et fantastique. Si le lieu d’habitation d’Héloïse, Neige et Louis est un robuste corps de ferme, les alentours fournissent les éléments du conte : forêt profonde, lac opaque, végétation foisonnante. Mais le château n’est pas la propriété d’un prince charmant.
Le récit est prenant, parfois oppressant, mais il n’est pas certain (peut-être n’était-ce pas utile) que la porosité se fasse entre les deux récits, chacun solidement implanté dans ses codes narratifs.
Mais en dépit du manque de moyens pour mener à bien ce genre de projet à tous points de vue ambitieux, Sandrine Veysset parvient à installer les atmosphères qui conviennent.
Lou Lesage, à peine sortie de l’adolescence, donne à Neige une présence troublante. Catherine Ferran est magistrale, et dans son rôle totalement mutique, le jeune Albert Geffrier, tout en fragilité, apporte une touche à la fois rafraîchissante et inquiétante au film .
Francis Dubois
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