Le parc du film de Damien Manivel est le lieu des premiers rendez-vous amoureux.
C’est là que Naomie et Maxime, encore un pied dans l’adolescence, vont faire leur première entrée dans une histoire d’amour, fut-elle éphémère.
Ils prennent place sur un banc et entre deux silences gênés, échangent des banalités auquel leur sincérité et leur embarras apportent émotion et vraisemblance.
Ils se connaissent peu et il est difficile de se prononcer sur les motivations de ce rendez-vous. Eux-mêmes ne semblent pas bien le savoir.
C’est Naomie, du haut de sa belle innocence qui va faire le premier pas en approchant sa main de celle de Maxime. Échanges de regards gênés, quelques ricanements et ils semblent tous deux s’interroger sur la suite à donner à ce premier pas.
Un sous-bois sera propice au premier baiser qu’ils échangeront debout, figés dans une attitude raide et maladroite.
Mais alors qu’ils semblent conquis l’un à l’autre, Maxime doit s’en aller. Il le fait sans le moindre geste tendre, le moindre baiser et il laisse derrière lui une Naomie désemparée.
Elle le relance par SMS; lui demande des explications et il répond par une fin de non-recevoir.
Éperdue de tristesse, invente-t-elle le personnage du gardien du parc ou bien celui-ci lui témoigne-t-il réellement la tendresse dont elle a besoin.
Naomie aura passé sa nuit dans le parc et au petit matin, riche de ses rêves et de sa déception, elle va reprendre le chemin de son domicile proche.
La première partie du film est attendrissante : Damien Manivel capte, avec les prémices du baiser, à travers les maladresses des deux adolescents, la charge émotionnelle et la tournure balbutiante d’une première rencontre.
Le dialogue, d’une banalité touchante est ciselé, précis, d’une belle justesse.
L’échange de SMS après le départ du garçon est un moment d’anthologie. L’utilisation de ce moyen, sans qu’on connaisse l’issue, entretient un vrai suspense et décuple les impressions de solitude, de désarroi et de cruauté où plonge la déception.
L’espace entre les deux échanges est aussi interminable pour le spectateur qu’il l’est pour Naomie, impatiente et blessée.
La seconde partie du récit qui laisse le choix entre la réalité et le rêve semble moins convaincante même si le basculement vers une sorte de fantastique apporte au film une dimension, une atmosphère qui contrastent avec le moment de la rencontre.
Le gardien du parc a-t-il existé réellement ou bien Naomie l’a-t-elle inventé comme un dérivatif à sa déception ?
L’histoire triste d’un amour sacrifié avant d’avoir vu le jour, universelle et touchante de vérité, la rupture par échange de SMS donnent à ce film qui dégage une petite musique personnelle singulière, une valeur documentaire sur les amours débutantes à l’époque des technologies nouvelles.
La communication par SMS en matière d’échanges amoureux ou en cas de rupture évite la confrontation et réduit le temps des explications…
Un joli film tendre et cruel.
Francis Dubois
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