Conor a douze ans et sa vie n’est pas facile tous les jours.
Il a de plus en plus de difficultés à faire face à la grave maladie de sa mère, à subir chaque jour les brimades des élèves de sa classe et à affronter l’autorité oppressante de sa grand-mère.
Chaque nuit, pour fuir son quotidien, il a recours à un monde imaginaire peuplé, entre autres créatures extraordinaires, d’un monstre-ami qui lui raconte des histoires qui seront à même de l’aider à surmonter ses difficultés.
C’est au cours de ces « rencontres » qu’il va apprendre le courage, la valeur du chagrin exprimé et surtout à affronter la terrible vérité.
Le projet de « Quelques minutes après minuit » remonte à 2011, au moment de la parution du roman éponyme de Patrick Ness qui regroupe des thèmes déjà traités dans les films précédents du metteur en scène espagnol : « L’orphelinat » et « The impossible’ .
Et pour Juan Antonio Bayona, la réalisation de ce nouveau film était le moyen de compléter sa trilogie sur la relation mère-fils.
Le récit prend au sérieux les sentiments d’un enfant considéré comme un être humain accompli et non comme un être en devenir.
Le jeu du jeune comédien qui interprète Conor et la façon dont il est vêtu (costume classique, chemise blanche et cravate le plus souvent dénouée) viennent confirmer le fait qu’il est quelqu’un qui a son existence propre en toute indépendance des adultes de son environnement : une mère diminuée par la maladie ayant des comportements d’enfant, un père peu fiable et immature et une grand-mère acariâtre.
Au milieu de ces adultes « défectueux », la seule compagnie qui puisse satisfaire l’enfant, la seule à laquelle il puisse se référer, est celle du Monstre.
« Quelques minutes après minuit » est un film hybride et le talent de Bayona est, entre autre, dans la virtuosité, la fluidité naturelle avec laquelle il fait se côtoyer deux genres cinématographiques qui ont peu de parenté : le récit réaliste touchant au plus proche la situation dramatique des personnages et le récit fantastique sous forme d’animation illustrant les histoires que le Monstre raconte à l’enfant.
Au lieu de scinder le film en deux, cette mixité narrative lui donne force et cohérence dans une complémentarité réjouissante.
La réussite de « Quelques minutes après minuit « , si elle tient à sa construction virtuose n’en réside pas moins dans une interprétation d’une grande précision, à commencer par le jeune Lewis MacDougall à la maturité de jeu étonnante qui donne, du haut de ses douze ans, un Conor charismatique.
Sigourney Weaver campe une grand-mère entre psychorigidité et émotion avec une belle élégance et Felicity Jones, la jeune mère et Toby Kebbel, le père sont au diapason. Est aussi à saluer la composition singulière de Liam Neeson dans le rôle du monstre. Il réussit par quel miracle, à habiter une immense marionnette et à lui donner, par les seuls voix et regard, de vrais moments d’émotion.
« Quelques minutes après minuit » est une totale réussite.
Francis Dubois
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