Yehia est chef cuisinier. Il tient, avec son fils aîné Rafaat et son cadet Galal, un restaurant qui s’est spécialisé dans l’organisation des banquets de fêtes familiales et plus particulièrement, les mariages.
Le déroulement d’un mariage paysan orchestré par le trio va être le cadre de chassés croisés d’intrigues amoureuses furtives, heureuses ou contrariées.
C’est alors qu’un homme d’affaires de la région et sa riche épouse en viennent à proposer à Yehia d’acheter leur commerce.
Face au refus du restaurateur, le proposition tourne à la menace.
Le premier atout du film de Yousry Nasrallah est de renouer, dans la bonne humeur et les couleurs, avec les codes du cinéma égyptien populaire proche du genre Bollywood et s’il cède au folklore jouant sur les sujets de la nourriture et de l’amour, il prend parfois le chemin de la franche paillardise.
Yousry Nasrallah peint, dans son film, une Égypte au moment où la crise économique n’avait pas encore sévi et contraint toute une catégorie sociale d’égyptiens à rompre avec les fêtes gigantesques, les profusions de nourriture et surenchère de toilettes féminines à la moindre des occasions.
Et quand il montre les débordements de consommation et une tendance à la liberté des mœurs, il se place dans le rôle d’un archéologue du présent.
Le déroulement des festivités du mariage, restitué en temps continu, occupe les deux-tiers du film. Et plus que le fonctionnement des cuisines ou l’attachement aux personnages des mariés et de leur famille, Yousry Nasrallah s’amuse à suivre les intrigues amoureuses secrètes, les stratégies auxquelles se livrent les protagonistes pour parvenir à des moments d’intimité.
C’est dans cette ambiance de musiques, de chansons, de danses que va se glisser la dimension dramatique du film.
Les intrigues, bien que relevant de la franche comédie avec la mise en place de situations burlesques et le jeu très expressif des comédiens, s’accommodent vaille que vaille de l’apparition de l’intrigue dramatique avec un ton plus grave.
Mais c’est peut-être bien dans ce fouillis narratif que le film trouve sa ligne et dans le mélange de genres qu’il trouve son souffle.
Une scène peut commencer dans un certaine gravité et basculer soudain sur un mode plus comique et cette espèce de désordre narratif est à l’image de la noce bruyante, bariolée où le côté bon enfant viveur voisine avec l’installation des conflits.
Dans le contexte de l’Égypte d’aujourd’hui livrée à l’austérité et à la religion, réaliser un film épicurien revient à une prise de position politique. Et c’est, précisément la peinture de choses de si peu d’importance qui agissent comme révélateurs.
Pourquoi ce titre bucolique et tendre pour une comédie ? Le ruisseau, le pré vert et le doux visage, ces trois éléments disparates réunis, forment une image codifiée du paradis dans la poésie arabe. Le titre est un hymne au plaisir.
La promesse est tenue.
Francis Dubois
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