Elle s’appelle Malika mais son nom d’emprunt est Virginie. Elle est issue d’une famille nombreuse du Nord de la France et elle vit à Londres, une ville de milliardaires, point de chute idéal pour une jeune call-girl de luxe.
Pour sa famille, elle est employée dans un cabinet d’assurances.
Ses rapports avec Raphaëlle, organisatrice des rencontres, sont plutôt d’ordre amical et ceci d’autant plus que Virginie semble aguerrie contre tout ce qui pourrait provoquer un accident de parcours, une histoire d’amour, un attachement, par exemple.
Mais qui est Ruppert, ce jeune homme au regard d’ange, qui un jour croise sa route et qui dès lors ne cesse de se retrouver sur son chemin et plus encore dans les rares moments où elle se retrouve en difficulté ?
Le film de Sylvie Verheyde s’ouvre sur une scène de sexe où le visage à ce point impassible de Virginie laisse penser un instant que le corps qui se trouve sous le poids de l’homme pourrait être une poupée gonflable, objet de substitution.
Virginie apparaît d’entrée comme une partenaire docile, une vraie professionnelle capable de faire illusion mais en gardant cette distance qui la renvoie à une sorte de pureté et son visage redevient celui d’une enfant dès le moment où il est débarrassé du maquillage excessif.
L’essentiel de « Sex Doll » est dans la façon dont Sylvie Verheyde a conçu le personnage de Virginie et dans l’interprétation d’Hafsia Herzi (révélation de « La graine et le mulet « ) capable d’une totale métamorphose entre jeune fille aux allures d’adolescente, tenue sage et chaussures plates et femme fatale montée sur talons-aiguilles. Une partition difficile à rendre crédible mais la jeune comédienne la donne avec virtuosité.
Sylvie Verheyre parvient, avec un récit où ils menacent à tous instants, à déjouer tous les poncifs et à renouveler le contour de tous les personnages.
Si celui de Raphaëlle est à des lieues de la mère maquerelle habituelle, celui de Virginie-Malika dans un mélange de douceur, de dureté, de soumission et de révolte est très loin de l’oie blanche tombée dans le piège de la prostitution.
Elle n’est jamais une victime mais quelqu’un qui est parfaitement conscient des raisons d’aisance et de confort pour lesquelles elle exerce ce métier.
Le rôle du jeune homme amoureux de la prostituée qui s’est constituée une carapace d’indifférence est également renouvelé grâce au mystère dont est enveloppé le personnage, car très vite, son comportement, le charisme dont il fait preuve l’éloignent du contour du simple amoureux transi et ses attributions d’ange-gardien se chargent au fur et à mesure du film, d’une ambiguïté qui ménage un léger suspense au récit.
Sur un tel sujet, Sylvie Verheyde aurait très bien pu aller du côté du film hard et même si les scènes de sexe existent, si la réalisatrice ne les évite pas, elles restent suggérées et apparaissent par touches impressionnistes de sorte que le récit, quoique réaliste, ne sombre jamais ni dans la complaisance ni dans le sordide.
Virginie-Malika et Ruppert sont, au final, deux enfants destinés l’un à l’autre et qui évoluent tous deux dans un « monde de putes ».
Deux personnages réfractaires à l’amour, dans une histoire d’amour…
Un très beau film. Une réalisation virtuose à tous points de vue.
Francis Dubois
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