Rey est un réalisateur de films qui a, jusque-là, le plus souvent tourné avec Isabelle, sa compagne et comédienne complice.
Mais un jour, Rey croise Laura, une jeune femme réalisatrice de « performances ». Il est immédiatement foudroyé d’amour et le soir même de leur rencontre, il l’amène dans la maison du bord de mer où généralement il s’isole pour travailler.
Le coup de foudre est réciproque et l’histoire d’amour est tellement engagée que, pour son prochain film, Rey renonce à tourner avec Isabelle.
Mais Isabelle ne s’est-elle pas à jamais imposée comme le seul grand amour de sa vie ?
Une nuit, sa moto percute l’arrière d’un camion et Rey meurt. Accident ou suicide, Laura se retrouve seule dans la maison isolée du bord de mer mais l’intensité de son chagrin, la force de l’absence l’amèneront à réinventer la présence de son compagnon et à agir désormais comme si Rey était toujours auprès d’elle….
» A jamais » présente peu de points communs avec les réalisations précédentes de Benoît Jacquot : « Le journal d’une femme de chambre « , « Les Adieux à la reine » ou « 3 cœurs » , mais le cinéaste renoue périodiquement avec une veine à laquelle il est resté fidèle, celle de « Villa Amalia » ou de » Au fond des bois « , plus intime, plus mystérieuse, plus contemplative où il aborde les sujets de la solitude ou de l’isolement par un amour passion mort ou impossible.
Dans une première partie du film Benoît Jacquot s’applique à faire vivre, dans un isolement favorable, la passion subite et dévorante d’un couple, l’effacement du passé pour l’un comme pour l’autre, les ravages de l’égoïsme heureux et la reconsidération des choses qui, jusque-là, paraissaient essentielles.
La deuxième partie du film fait suite à la mort de Rey avec, en articulation, la pathétique prise de parole d’Isabelle face au cercueil (merveilleuse Jeanne Balibar retrouvée !).
Plutôt que d’être vécu dans la réalité de la douleur, pour Laura, le deuil se vit comme à travers un filtre, selon une sorte de constat parallèle, de léger décalage qui va conduire jusqu’au surnaturel dans un contexte où les interventions extérieures (le propriétaire de la maison qui vient réclamer le paiement des arriérés de loyer ou l’amie de toujours de Laura qui voudrait la voir sortir d’un enfermement inquiétant) apparaissent comme des moments décalés.
La virtuosité de la mise en scène, la fluidité des images, la création d’une atmosphère teintée d’onirisme mais toujours en prise avec la réalité et le concret, la délicatesse du décor,
les interprétations sensibles de Mathieu Amalric, Julia Roy (qui est l’auteure du scénario) et les apparitions majestueuses de Jeanne Balibar composent une œuvre fragile mais parfaitement aboutie.
Francis Dubois
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