Dans la Normandie de 1819.

A peine sortie du couvent où elle a fait ses humanités, Jeanne, de retour chez ses parents et encore pleine des rêves de son enfance, épouse Julien de Lamare.

Dans les premier temps attentif et amoureux, celui-ci se révèle vite avare, brutal et volage.

Les illusions de Jeanne commencent à disparaître lorsque ses parents quittent le domaine et qu’elle se retrouve seule face au vrai visage de son époux.

Heureusement il y a Rosalie, sa jeune servante avec laquelle elle a grandi et noué des liens d’amitié.

Cinéma : Une vie
Cinéma : Une vie

Après « La loi du marché « , Stéphane Brizé fait le grand écart et passe à un projet qui remontait à une vingtaine d’années, au moment où il découvrait le livre de Guy de Maupassant.

S’il considère que les contextes sont différents à tous points de vue, il voit une parenté entre le personnage de Jean de « La loi du marché  » et celui de Jeanne d’ « Une vie « , car ayant tous deux une haute idée de la vie au-delà de l’époque et de la situation sociale.

Jeanne passe à la vie adulte sans avoir fait le deuil du paradis de l’enfance, un monde où tout semble parfait.

Au fur et à mesure qu’elle avancera dans sa vie de femme, elle verra son idéal se nuancer pour aller bientôt jusqu’au désenchantement.

Ses difficultés viendront de l’attitude révélée de son mari et de sa difficulté à trouver la bonne distance pour faire évoluer le regard très personnel qu’elle porte sur la vie.

Dans un premier tiers de son film, Stéphane Brizé fait progresser son récit par une suite de scènes en creux, négligeant les événements saillants qui, depuis l’arrière-plan, ponctuent l’existence monotone de Jeanne. Un choix narratif qui s’avère très efficace et produit un récit tout à la fois fluide et saccadé très convaincant et très maîtrisé, soutenu par une très belle photographie des paysages normands.

La découverte des infidélités de Julien, le départ de Rosalie et de l’enfant résultant de sa liaison forcée et à qui on a donné une ferme en dédommagement de leur renvoi du domaine, et bientôt la mort de la Baronne font plonger le film dans la grisaille d’une solitude prélude au drame qui menace.

Le récit qui s’étend sur vingt-sept années, laisse à Paul, l’enfant de Jeanne et Julien, le temps de devenir le jeune homme aventureux sur qui sa mère reportera toute son affection et qui deviendra, en retour, la source de ses tourments. Enclin à entreprendre des aventures risquées, ses dettes vont contraindre Jeanne à vendre, les unes après les autres, toutes les fermes du domaine.

Ruinée et seule, elle sera secourue in extremis par la reconnaissante Rosalie.

Si la première partie du film était dans la demi-teinte, la nuance, avec le drame et la solitude, il prend ensuite la forme nécessaire d’un mélodrame que Stéphane Brizé conduit de main de maître et la seule réserve qu’on pourrait faire à sa totale maîtrise du récit serait peut-être du côté du choix de la jeune comédienne Judith Chemla pour incarner Jeanne. Son jeu faussement sobre, en réalité très sophistiqué, très apprêté semble parfois trahir le fil narratif initié.

En 1957, Alexandre Astruc adaptait le roman de Maupassant et le choix qu’il fit, en confiant le personnage de Jeanne à Maria Shell était autrement plus judicieux.

Mais quelque-soit le choix de son sujet, Stéphane Brizé qui est un de nos grands réalisateurs, réalise avec force et discrétion des œuvres abouties.

« Une vie » est à ajouter à son brillant palmarès.

Francis Dubois


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