Ils sont au nombre de onze, enfants et adolescents, au caractère bien trempé, à apparaître, pour notre grand plaisir, avec leur verve et leur irrésistible bon sens, dans le film d’Olivier Babinet.
Ils vivent au cœur de cités réputées difficiles mais il y a une telle force en eux, une telle volonté d’embrasser la vie qu’on est confiant sur l’avenir de chacun d’entre eux.
Le film repose sur leur façon de voir. Il rend compte des grands sujets du monde actuel à travers leur regard et leurs propos pertinents, leur grande lucidité et la confiance que certains ont en l’avenir ouvre sur des perspectives optimistes.
« Swagger » se présente comme une mosaïque de moments et de visages dans laquelle le réalisateur introduit, à l’aide de courtes parenthèses oniriques ou issues de l’imagination des protagonistes, une dimension décalée qui, au lieu de faire diversion au motif du film, l’enrichit, l’éclaire, l’illumine pour donner corps à l’élan choral de l’ensemble.
Si l’image montre soudain des drones se faufilant entre les tours d’immeubles de la cité ou si un des personnages les plus attachants du film, natif de Pondichéry, sort de sa réserve pour exécuter, dans le cité, une chorégraphie avec parapluie rouge inspirée des comédies musicales américaines, on ne s’étonne plus. On s’évade, on voyage dans l’imaginaire de ces enfants qui, par tous les moyens, entendent éviter l’avenir que notre société actuelle ou future leur réserve.
Swagger, le verbe, signifie rouler des mécaniques, faire le fier, fanfaronner. Il existait déjà dans le texte de « Le songe d’une nuit d’été « , la pièce de Shakespeare (« Mais qui sont ces fanfarons qui dansent loin du lit de la Reine des Fées ? ») .
Le mot est, nul ne sait par quel hasard, passé par les ghettos américains noirs dans les années 90 avant d’apparaître dans le vocabulaire des jeunes de banlieue.
Malgré les difficultés de tous ordres, les enfants d’Aulnay fanfaronnent toujours, chacun à sa façon. S’imposer par le charisme, la parole ciblée, son rapport aux autres ou la tenue vestimentaire décalée dans le temps (le complet veston cravate) ou dans un contexte machiste (la veste de fourrure et les lunettes de star pour le futur styliste) relève d’une énergie de vie, d’une fierté qui met à terre la dureté de l’environnement.
« Swagger » n’est pas un film de plus sur la banlieue dans la mesure où ne rend pas compte du contexte (on ne s’apitoie jamais et l’arrière-plan social est gommé) mais fait voir le monde à travers le regard des enfants.
Olivier Babinet aime ses personnages. Il a pour eux un grand respect et sa façon de les filmer, de nous les faire entendre (que les propos soient drôles, pathétiques, embrouillés ou romantiques) force la sympathie et parfois l’admiration.
Le mécanisme de la pensée chez certains, la précision du propos, les déductions irréfutables ou la fantaisie comme mode de vie nous en imposent.
« Swagger » s’ajoute au nombre des documentaires qui renouvellement et requinquent le genre par le choix du sujet ou par un traitement d’une grande inventivité.
Celui-ci est une vraie leçon de vie.
Francis Dubois
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