Léo vouait à Alma un immense amour qui durerait toute sa vie et il lui promettait qu’elle serait la femme « la plus aimée au monde ».
Mais les aléas de l’existence en ont décidé autrement. Prise dans la tourmente de la guerre, Alma qui est juive, a dû fuir à New-York et croyant que Léo avait péri, elle a épousé un autre homme fondé avec lui une famille et gardé auprès d’elle Isaac, l’enfant qu’elle a eu de son premier amour.
Léo lui, resté sur sa promesse d’un amour éternel, est ressorti indemne de tous les dangers et de toutes les épreuves.
De nos jours, à Brooklyn, Alma, une adolescente pleine d’imagination, de passion et de fougue rêve d’un amour total.
Par quel jeu du hasard, Léo qui est, de nos jours, devenu un vieil homme espiègle et drôle et qui vit dans le souvenir de « la femme la plus aimée du monde » va-t-il être amené à rencontrer sur un banc de Central Park, la jeune Alma ?
Dès son second long métrage « Train de vie » en 1998 qui retraçait l’histoire d’un village juif organisant un faux train de déportation pour échapper au génocide, Radu Mihaileanu se fait connaître. Il tourne ensuite « Va, vis et deviens » qui traitait du rapatriement des juifs éthiopiens vers Israël en 1984-85.
En 2009, il réalise « Le concert « , vaste « fresque intimiste » où il établissait un dialogue entre Est et Ouest sur fond de musique de Tchaïkovski. Le film connaît un immense succès populaire. Il séduit près de 2 millions de spectateurs.
On pourrait penser, mais ce serait à tort, qu’en entreprenant toujours un mélodrame flamboyant sur le principe de la « fresque intimiste », Radu Mihaileanu abandonnait le domaine du cinéma militant.
Or, « L’Histoire de l’amour » qui va d’une époque à une autre, du village polonais d’avant -guerre au New-York de 1946, 1957, 1995 et de 2006 puis au Chili, qui passe de l’histoire de Léo présente et passée, à celle d’Alma adolescente bien contemporaine, milite pour un autre grand sujet, la crise que l’humanité traverse et qui engendre toutes les autres, l’incapacité d’aimer l’autre.
Radu Mihaileanu s’élève contre l’amour aujourd’hui bafoué considéré comme un sentiment désuet, dépassé, ringard, conservateur et défend avec son film, ces « dinosaures » utopistes qui se battent pour le sentiment amoureux, pour l’amour qui aide à survivre.
Et son film pose la question de savoir comment se remettre debout quand l’Histoire collective et l’histoire individuelle nous ont quasiment anéantis.
Dans « l’histoire de l’amour » le déluge destructeur touche tous les personnages, même les plus légers et les plus drôles. Il est développé comme une rhétorique et revient régulièrement, accompagné de son thème musical où l’on constate que la vie se déchire pour mieux renaître par la suite. Le déluge étant intimement lié au thème de la survie.
Léo a cette capacité de renaître grâce à l’amour qu’il porte aux autres et à son amour de la vie.
C’est parce qu’il a touché le fond à plusieurs moments de son existence qu’il a toujours été sauvé par son amour pour les autres et par l’amour de quelques autres.
Si la tragédie lui est familière, il a en lui ces antidotes magnifiques qui, à chaque fois, le sauvent du déluge.
La transmission qui passe par l’écrit est un autre thème prégnant du film où l’on évoque la force mystérieuse de l’écrit et de la fiction qui enrichit la réalité.
Le livre que Léo écrit dans son petit village de Pologne comme une longue déclaration d’amour se perd et fait le tour du monde pour arriver dans une famille de Brooklyn où la fille hérite du prénom de l’amoureuse et du poids de devenir « la femme la plus aimée du monde » Alma.
Un beau récit, fait d’entrecroisements de destins, tour à tour pathétique et drôle où le plaisir de se perdre, de s’égarer, fait partie du jeu…
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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