C’est un site exceptionnel, à la limite des plaines viticoles du littoral Languedocien et des derniers contreforts des Cévennes en haute vallée de l’Orb, dominant le petit village de Faugères (cru méritant bien son appellation contrôlée), et à quelques vols d’oiseau de la ville la plus proche, Bédarieux, en remontant vers la vallée de l’Orb, d’où on peut voir par temps clair la nuit venue scintiller les lumières de la côte depuis les Pyrénées jusqu’à Sète. Rien que pour la vue, de jour comme au crépuscule, ce site avec ses 3 moulins récemment rénovés, dont un en état de fonctionnement, mérite l’effort de monter à pied depuis les ruelles du vieux village par un petit chemin de randonnée bien balisé.
L’été dernier, l’écrivain et éditeur militant Franck-Olivier Laferrère (voir notamment son texte de 2005 republié en décembre 2015 après les attentats, réflexions sur deux « états d’urgence » et les « erreurs » monumentales sur les véritables urgences…), a plus que doublé l’intérêt porté à ce lieu magnifique en y organisant des rencontres littéraires atypiques, en donnant l’occasion de rencontrer des écrivains autour d’extraits de leurs créations, de débattre avec des libraires et éditeurs engagés pour défendre la littérature menacée par la marchandisation.
Auteur de plusieurs romans, de textes et expressions théatrales, Franck-Olivier Laferrère est aussi, et surtout actuellement, un éditeur novateur à l’origine des éditions numériques e-fractions depuis 2012, visant à « ouvrir un espace de liberté » à des écrivains qui pourraient ne pas être publiés autrement, ou des publications défendant des valeurs, mais aussi à faire connaître largement les travaux de qualité d’autres éditeurs « résistants » au rouleau compresseur de l’industrie multinationale en ce domaine.
Cet été, ces rencontres ont pris une dimension plus importante, en cherchant à croiser littérature et d’autres expressions culturelles, artistiques, scientifiques… en élargissant les partenariats amorcés l’année précédente[[ Notamment avec la libraire de Bédarieux qui organise elle-même de fréquentes rencontres avec des auteurs, et tient une table de livres des intervenants aux « Transversales ».]] avec un rendez-vous chaque semaine associant tout autant des auteurs connus et moins connus, avec toujours un moment musical et une possibilité de restauration légère sur place auprès de producteurs locaux.
La première soirée, le 20 juillet, a accueilli Gilles Moraton travaillant comme bibliothécaire dans la région et auteur de nombreuses nouvelles et de plusieurs romans, ainsi que d’une récente pièce de théâtre Bocal terminus (e-fractions éditions) avec une lecture par Béla Czuppon, et une mise en musique de Patrice Soletti.
Comme le présente le programme ci-joint avec un beau texte d’orientation, ces « Transversales » consacrent une large place aux femmes « dont les libertés fragiles sont plus que jamais à protéger et à défendre dans un monde clairement menacé par le retour des obscurantismes nationalistes et religieux. Femmes écrivains, poètes, éditrices engagées, combattantes, militantes, résistantes… »
La deuxième rencontre, le 27 juillet, fut très représentative de cette orientation avec la participation de Camille LAURENS, et une belle occasion de l’entendre lire des extraits de son plus récent roman « Celle que vous croyez » (Gallimard, janvier 2016), une belle histoire autour d’illusions ouvertes -en particulier pour la vie amoureuse- par le développement de l’expression numérique… Une belle expression orale aussi -ce n’est pas si fréquent qu’un auteur dise bien ses propres écrits- tissant des ponts avec quelques-uns de ses précédents ouvrages [[Pour mémoire, prix Fémina et prix Renaudot des lycéens en 2000, auteur d’une quinzaine de romans, de divers autres écrits et notamment d’une belle étude, richement illustrée : Les Fiancées du diable – enquête sur les femmes terrifiantes Ed. du Toucan 2011.]] pour illustrer sa démarche d’écriture et en réponse à diverses questions avec beaucoup de gentillesse et de pédagogie, reflet de son important passé d’enseignante. Une soirée agréablement entrecoupées de moments musicaux par un petit groupe de jazz…
De nombreuses autres rencontres passionnantes en perspective, en particulier le mercredi 17 août autour du thème « Femmes en résistance » avec trois auteures en prise avec de tristes réalités d’aujourd’hui :
> Sabine HUYNH, dont on peut lire utilement une présentation, notamment autour de son livre « La sirène à la poubelle« , de Gaza et du conflit Israël-Palestine;
> Sophie MOUSSET écrivain et photographe à qui on doit notamment un récent reportage, en mai 2016, au Kurdistan Irakien avec les femmes Yézidies qui combattent contre DAESH (livre « Femmes en guerre » Ed. E-fractions) [[Egalement auteur d’un instructif petit livre consacré à Olympe de Gouges et à son rôle trop souvent méconnu de 1789 à 1793 pour les droits des femmes.]];
> Marie COSNAY, enseignante et auteure de https://blogs.mediapart.fr/marie-cosnay/blog/230415/une-chance-pour-leurope-athenes-22-mai »>son blog sur Médiapart ayant contribué à irriguer « Bouc de là ! » création théâtrale mise en scène par Caroline Panzera [[Accueillie notamment au Théâtre du Soleil.]] sur la base de collectes de témoignages recueillis par Laure Barbizet et Anne-Marie Chémali au COMEDE (Comité médical pour les exilés, présidé par Didier Fassin), par Marie Cosnay et Caroline Panzera en France et en Grèce, par Sheila Maeda en Espagne.
Plein de bonnes raisons de profiter du mois d’août pour passer par Faugères ! (entrée libre mais la renommée pouvant faire venir beaucoup de monde, il est conseillé d’informer de sa venue au 06 45 73 49 82)
Philippe Laville
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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