Dans un appartement de Bucarest, une quinzaine de membres d’une même famille sont réunis pour la commémoration des sept ans de la mort du père.

Le Pope qui doit célébrer la cérémonie est en retard et en attendant sa venue avant laquelle on ne peut pas entamer le repas, chacun va rentrer dans un processus d’alliances et de désaccords en sillonnant cet espace si réduit pour accueillir un aussi grand nombre de participants, que la caméra reste souvent devant la porte de la pièce.

Une suite d’ événements minimes va se produire que chacun va percevoir à sa manière et si petit que puisse être l’enjeu, il va déclencher des réactions à la chaine, enclenchant au passage des conversations soudain plus profondes et plus politiques à propos des États-Unis , du communisme, mettant face à face des opposants et des nostalgiques, les attentats du onze septembre, l’Amérique de Bush.

Mais les conversations peuvent porter sur des sujets bien plus anodins et la retaille du costume du père que doit revêtir le fils selon la tradition, beaucoup trop grand, devient un véritable événement tout comme l’arrivée dans la maison de l’amie de la fille, ivre ou droguée.

Tout cela sous le regard amusé et distant de Lary, le fils aîné du défunt et celui indifférent d’un couple dont les liens de parenté avec la famille paraissent plus lointains.

Cinéma : Sierranevada
Cinéma : Sierranevada

Le film de Cristi Puiu se situe dans un seul lieu, l’appartement qui devient un monde en soi, géographiquement limité, un espace qui devient une réflexion du monde à échelle réduite.

On passe de pièces claires à des pièces plus sombres avec des décorations différentes et on ne peut pas s’échapper de cet appartement comme, à plus grande échelle, on ne peut s’évader de la planète.

L’exiguïté du lieu clos oblige chacun à entrer dans toutes les pièces et à aller au-devant de l’autre créant au passage autant de conflits que de complicités.

« Sieranevada  » dont le titre évoque les grands espaces et le peut-être même le western, crée un monde alvéolaire sans véritable communication où chaque individu est enfermé dans sa bulle.

La camera de Cristi Puiu est virtuose, la mise en scène d’une grande fluidité pour suivre les personnages, les croiser dans un couloir, saisir au plus près un passage éphémère, surprendre une conversation amusée ou un conflit, assister à une altercation. Elle obéit aux dimensions de l’espace, à l’interdiction de pénétrer dans une pièce dont l’entrée est engorgée.

Les portes omniprésentes se franchissent, s’ouvrent, se referment, sont une ouverture sur des moments comme volés à l’intimité d’une famille, à son fonctionnement somme toute ordinaire mais devenu passionnant par la façon qu’a la caméra de Cristi Puiu de donner une force souterraine à de simples déplacements.

Un huis-clos qui prend des airs de véritable épopée. Captivant.

Francis Dubois


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