Carmina, la cinquantaine extravagante, décide de suspendre l’annonce de la mort de son époux pendant quelques jours afin de ne pas voir ses revenus amputés de ses derniers salaires.
Sa fille qu’elle met dans la confidence va devenir, contre son gré, sa complice.
La situation donne lieu à des péripéties auxquelles Carmina sait, à chaque fois, faire face avec beaucoup d’aplomb.
Au début du récit, avec la mort d’Antonio dans son fauteuil devant son téléviseur et la décision de Carmina de la garder secrète pendant la durée du weekend en dépit d’une chaleur caniculaire, tout laisse penser que le film va fonctionner sur ce ressort comique et qu’on va assister avec « Carmina » à une comédie d’autant plus drôle qu’elle est macabre.
Mais très vite sans qu’il n’ait vraiment exploité le potentiel comique du motif narratif de départ, le film de Paco Leon s’évade.
On en arrive très vite à la fin du weekend, à la fausse découverte de la mort et si, Carmina force le jeu de la veuve inconsolable vis-à-vis des amis ou du corps médical, l’articulation du récit va survenir avec l’installation d’un doute.
La pétulante quinquagénaire n’aurait-elle pas tiré parti du passage à un nouveau traitement médical pour se tromper dans les dosages et plus ou moins volontairement provoquer le décès d’un époux dont elle s’était lassée depuis longtemps.
Mais le film va échapper à la piste criminelle, tout comme il a contourné la piste comique. Et Carmina saura avec quelques larmes supplémentaires convaincre le médecin de ne pas procéder à une autopsie qui, sans doute, aurait dévoilé la supercherie.
C’est alors, que la veillée funèbre voit affluer les voisins-voisines pour qui le moment est une aubaine ; l’occasion de bavardages à bâtons rompus au cours desquels, elles se montrent aussi friandes de ragots que de collations.
Le film qui s’est éloigné de son sujet initial voit alors apparaître les personnages plus disparates et insolites les uns que les autres, à un rythme vertigineux.
Les commérages sont savoureux et les confidences égrillardes, les révélations intimes d’une cousine aux mœurs libérées vont révéler une nouvelle facette du personnage de Carmina.
On ne s’étonnera pas de sa métamorphose en femme fatale dans les dernières scènes et du rendez-vous qu’elle a avec un jeune homme noir à qui elle n’aura à offrir en retour de ses « services » dont elle ne voudra finalement pas, que la prothèse dentaire en or dont elle n’aura bientôt plus l’usage….
Le film de Paco Léon, avec ses fluctuations narratives, fait penser à un objet insolite qui prendrait une forme et des reliefs différents selon comment il est éclairé.
Ce qu’on prenait au départ comme une comédie méchante, prend petit à petit, et sans qu’on ne voie rien venir, une profondeur mélancolique.
Francis Dubois
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