Raphaëlle Branche, dans « La torture de l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962 », a épluché les archives enfin ouvertes de cette période et a recueilli des témoignages de « survivants » qui commencent seulement à parler. Jusque-là, cette guerre qui n’a jamais dit son nom, a été enterrée pour éviter le bilan des gouvernants. Ils ont ainsi tué la mémoire. L’auteure livre un travail qui tient autant de l’anthropologie que de l’histoire politique tout en donnant de la place à celle des mentalités pour expliquer l’acceptation de la torture. Elle situe cette guerre non pas dans la continuité de la Résistance – contradictoirement – mais dans celle de la guerre d’Indochine. Les mêmes méthodes se retrouvent. Le fonctionnement de l’Institution militaire s’entremêle avec les comportements individuels et la violence de la guerre pour arriver à faire voler en éclats les barrières de la conscience et de notre humanité. Une analyse qui permet de comprendre la guerre d’Algérie, le silence coupable des survivants, la haine inscrite dans les affrontements, la vengeance… Une guerre coloniale qui se traduit par le racisme, l’exclusion, le sentiment de supériorité de cette armée chargée de la répression et l’oubli de cette affreuse barbarie voulue et organisée par les pouvoirs en place.
En même temps, cette description est universelle. Toutes les guerres ont les mêmes conséquences. Les civils ne veulent pas reconnaître leur responsabilité, celle d’avoir laissé faire et laissé sur le bord de la vie les soldats chargés d’une mission barbare… pour gagner une guerre qu’ils ne pouvaient que perdre…
Pour retrouver la mémoire…
Nicolas Béniès
« La torture de l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962 », Raphaëlle Branche, Folio/Gallimard.
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