Pier Ulmann, la petite trentaine, mène à Paris une vie végétative entre travaux de rénovation d’appartements et petits larcins pour le compte de Rachid qu’il considère comme sa seule famille.
Son histoire passée le rattrape le jour où on lui apprend la mort dans la rue de son père dont il avait perdu toute trace et dont il découvre qu’il vivait dans un foyer minable à la suite d’une longue déchéance notamment due à la perte d’une main, autrefois, dans des conditions troubles.
En poursuivant ses investigations, il sait que son père était le « canard boiteux » d’une riche famille de diamantaires d’Anvers.
Aucun héritage sinon la révélation de son bannissement par la « tribu » Ulnann et un violente désir de vengeance.
Lorsque son cousin Gabi éprouve le besoin de rencontrer Pier, c’est pour lui proposer au vu de ses compétences en maçonnerie, de l’embaucher pour rénover les bureaux de la prestigieuse firme.
Pier finit par accepter. Il voit dans le fait d’approcher son oncle et son cousin et d’accéder aux ateliers de taille de diamants, une opportunité pour mettre au point, avec la complicité de Rachid, un plan de vengeance.
Mais sait-il qu’un diamant possède de multiples facettes ?
Arthur Harari er ses producteurs avaient pour projet de faire un film sur un braquage. Sur cette idée de départ s’est greffée celle d’une variation autour du thème d’Hamlet, de l’histoire d’un jeune homme qui veut venger son père en détruisant sa famille et qui pour ce, pénètre un milieu qui lui est totalement étranger.
Le quartier des diamantaires d’Anvers, majoritairement juif, s’est imposé comme le cadre porteur du sujet.
Le fait que le père ait eu une main arrachée fait référence à la légende du géant Druoon Antigoon qui exigeait un droit de passage sur l’Escaut et tranchait la main des mauvais payeurs ; le soldat Silvius Brado le tua avant de lui trancher la main à son tour et de la jeter dans le fleuve.
Le film d’Arthur Harari est d’une forte portée documentaire. Il inclut à la lente machination de vengeance, des renseignements précis sur la pierre elle-même, les différentes tailles des diamants et sur le fonctionnement des ateliers spécialisés.
Le fait que le cinéaste ait pu avoir accès à l’un des ateliers de taille des pierres les plus prestigieux d’Anvers, qu’il ait pu enregistrer des témoignages et avoir un rapport direct avec les patrons du lieu, nourrit le récit de façon très naturelle.
Et du coup, le casse lui-même va prendre une dimension réaliste en adoptant plus une forme artisanale que la prouesse technologique.
Le mélange de stylisation formelle et de réalisme brut répond aux spécificités du film noir.
C’est grâce à un réalisme concret que la réalisation accède à un romanesque formel.
Mais « Diamant Noir » est-il pour autant, un film noir ?
Sans doute. Même si le récit flirte avec le mélodrame et si le film fait référence à un certain cinéma américain des années cinquante (Vincente Minnelli entre autres) et s’il ne nie pas, par certains aspects, sa parenté avec le genre documentaire.
« Diamant noir » bénéficie d’un casting étonnant pour un film français. Il est composé de comédiens allemands et polonais
Niels Schneider s’impose ici comme une prochaine valeur sûre du cinéma.
Une très belle surprise que ce film à tous points de vue, singulier.
Francis Dubois
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