Un égoutier employé de la ville est retrouvé mort dans des souterrains à Bombay.

Narayan Kamble, chanteur contestataire avait, au cours d’un récital dans le bidonville où habitait le défunt, chanté une chanson dont le texte incitait les égoutiers au suicide.

L’artiste est accusé, à cause du contenu du texte, d’avoir poussé l’ouvrier à mettre fin à ses jours.

Un procès s’ouvre qui va se poursuivre pendant des mois, de plus en plus labyrinthique et absurde.

Le fonctionnement de la cour de justice devient le reflet des tiraillements et des archaïsmes de l’Inde contemporaine.

Cinéma : Court
Cinéma : Court

Chaitanya Tamhane explore le système judiciaire indien, la froideur, l’indifférence, la légèreté et la précipitation avec lesquelles les décisions de vie et de mort sont prises. Il le fait à travers le déroulement d’un procès sans réel fondement qui, d’entrée, ressemble à un complot, à un malentendu et, de plus loin à une démonstration dérisoire.

Les dés sont-ils pipés ou bien est-ce l’effet de la nonchalance d’un tribunal qui fonctionne de façon mécanique sans véritable implication, loin d’un souci de justice ou d’objectivité ?

Chaque personnage impliqué dans le déroulement du procès fait l’objet de courts épisodes narratifs qui, en même temps qu’ils les décrivent dans leur vie privée, éclairent, rythment le récit et donnent au film, sa respiration et le coloration d’une étude sociale.

Ces moments de digression permettent une meilleure connaissance du personnage de l’avocat de la défense ou de celle de la partie civile. Ces portraits succins apportent un éclairage supplémentaire à l’absurdité de l’accusation.

Le motif initial du récit paraît dérisoire car comment imaginer que le simple texte d’une chanson pourrait conduire un homme au suicide. Pourtant, en dépit de sa minceur, le prétexte enclenche un réel intérêt avec les plaidoiries des deux avocats qui, à chaque fois, débouchent sur un renvoi du jugement à une date ultérieure plus ou moins justifié.

Il existe un décalage entre l’évidente fragilité des arguments de l’accusation, l’acharnement de la partie civile à obtenir la peine maximale et la faute commise supposée.

Le déroulement répétitif du récit pourrait devenir lassant d’autant qu’il fait l’économie du moindre suspens.

Il faut attribuer les qualités du film à la magie de la construction et à celle d’une mise en scène sans effets mais discrète, solide et efficace.

La magie qui opère et suscite un intérêt permanent naît d’une sorte de nonchalance narrative, d’un subtil mélange de sérénité et d’un permanent sentiment d’injustice.

Ce qui fait de «  Court (En instance ) » un vrai petit chef d’œuvre, c’est la précision, cette justesse qui, dans la plus totale discrétion, donnent lieu à une œuvre rare, une « pépite » en totale rupture avec nos productions occidentales

C’est l’intérêt mystérieux que la modestie de la réalisation donne au déroulement de faits sans grand relief et à cette sorte de fatalité qui semble de bout en bout, marquer les protagonistes.

Les personnages sont authentiques comme l’est la mise en scène sans effets, la construction simple et rigoureuse, la photographie, les cadrages, l’utilisation des ellipses et une grande simplicité narrative.

Ce film est à voir absolument, à découvrir

Francis Dubois


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