A soixante-quinze ans, Zayane n’est jamais allée au-delà des limites de la cité où elle vit depuis son arrivée en France.

Elle est analphabète, veuve et mère de onze enfants dont la benjamine doit avoir guère plus d’une vingtaine d’années.

Elle continue de jouer auprès de chacun séparément (la plupart d’entre eux se sont perdus de vue), le rôle de la mère nourricière et elle est la référence de leur origine, le lien avec un pays qu’ils ont oublié et peut-être jamais connu.

Un jour, une lettre apprend à Zayane le décès d’un homme qu’elle a connu autrefois, avant son mariage et avec qui elle a eu une histoire d’amour fugitive mais importante au point qu’ils ont continué à communiquer, elle par de petits films (son patron lui avait appris le photographie), lui par des enregistrements sur cassettes.

Le faire-part est assorti d’un mot qui l’invite à se rendre à Blois si elle souhaite récupérer un carton que le disparu a laissé pour elle.

Après une tentative de voyage en train raté à cause de son incapacité à lire les horaires et les indications des directions, elle fait appel, pour rejoindre Blois, à une assistante sociale à la retraite qui lui est dévouée.

Alors qu’elle effectue en compagnie de son amie ce road-movie d’une journée propice aux confidences et aux révélations, ses enfants, pour une fois tous réunis, se retrouvent chez elle à attendre son retour et découvrent un pan de la vie de leur mère qu’ils ignoraient.

Cinéma : d'une pierre deux coups
Cinéma : d’une pierre deux coups

Curieuse coïncidence. Le cinéma français dresse coup sur coup à deux reprises, le portrait de femmes maghrébines analphabètes et chacune combative à sa façon.

Mais c’est le seul point commun entre «  Fatima » de Philippe Faucon et «  D’une pierre deux coups  » de Fejria Deliba.

Le cinéma français met donc par deux fois la lumière sur ces femmes de l’ombre, mères de famille irréprochables qui restent fidèles à leurs origines et qui ont limité leur intégration au pays « d’emprunt » à ce qui est strictement nécessaire au fonctionnement du quotidien.

« Fatima  » est un film social. «  D’une pierre deux coups  » l’est forcément puisqu’au centre du récit, il y a ce personnage qui lui donne cette coloration. Mais c’est aussi une comédie qui couve sous les apparences et une histoire romanesque.

«  D’une pierre deux coups  » se situe à deux niveaux de narration contrastés.

Il comprend une partie « extérieure »: c’est le voyage à Blois, avec des haltes prétextes à des confidences, un air de liberté et une partie « intérieure » qui rend compte des retrouvailles des frères et sœurs dans l’appartement de leur mère.

Cette escapade d’une journée aura été pour Zayane un retour sur son passé, la vraie reconnaissance, des décennies plus tard, de son amour de jeunesse inaccompli et l’occasion de réunir, en son absence, les éléments disparates d’une fratrie qui s’est éparpillée aux quatre coins de la région parisienne.

Si le récit s’élabore de façon parfois un peu confuse et laborieuse, Fejria Deliba réussit une série de portraits remarquables de justesse. Chacun des frères et sœurs témoigne des particularités de cette population d’origine maghrébine à cheval sur deux cultures, complètement intégrée en France mais qui, dans l’élan des retrouvailles, par le comportement, la façon d’être ensemble, le rétablissement naturel de rituels, prouvent qu’ils ne sont pas tout à fait détachés de leur pays d’origine.

Zayane est un personnage drôle et attachant. Le film qu’elle soutient par sa présence charismatique l’en tout autant.

Francis Dubois.


Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu