« The Mallet-Horn Jazz Band » est le titre pour le moins énigmatique de cet album. Sous titré « Guest Arkady Shilklopper », il n’éclaire en rien le contenu sauf pour les mordus d’un instrument peu usité dans le jazz, le cor, french horn de l’autre côté de l’Atlantique. Le texte du livret – en trois langues s’il vous plaît, français, anglais et espagnol – nous apprend que Arkady, né à Moscou en 1956, est un virtuose de cet instrument et qu’il joue à la fois dans des groupes « classiques » – plutôt de musique contemporaine – et de jazz. Nous voilà bien avancés.
La pochette arrière détaille les noms des solistes et du directeur musical Arnaud Délépine qui a dû avoir l’idée de cette réunion hors du commun, nous donnant un nouvel indice. Mais réunion de quoi, de qui ? Pour le savoir, il faut ouvrir le CD. La découverte est de taille. Neuf cornistes forment les cuivres (horn) et deux « mailletistes » – soit des vibraphonistes, joueurs de marimba, frappeurs de maillets sur des languettes de bois ou de métal – leur donnent la réplique pour des questions/réponses habituelles dans les Big Bands de jazz depuis Fletcher Henderson qui sonnent totalement originales. Originalité supplémentaire, ces derniers participent de la définition de la section rythmique, complétée par et comme il se doit par batterie et contrebasse. Le tout, étrangement, sonne comme un « vrai » Big Band.
Les compositions sont, dans l’ensemble, connues. Elles vont de Miles Davis à Wayne Shorter, en passant par Coltrane et Pat Metheny. Arkady Shilklopper est venue avec une des siennes sur laquelle il brille, Stéphane Fillet en a amené une et a arrangé tout le reste. Il faut insister sur la place essentielle de l’arrangeur pour permettre à tout l’orchestre de pouvoir exister comme un tout. Il faut aussi découvrir la section rythmique, Ivan Gélugne à la contrebasse et Morgan Cornebert à la batterie, soubassement fondamental pour permettre aux solistes de prendre une sorte d’envol à ras de terre. Le cor est un instrument un peu particulier. Il peut respirer le cheval, une élégance racée et le sang, référence à une chasse barbare, tout en faisant la démonstration de sa capacité d’émotion.
Le jazz a expérimenté plusieurs formes de grands orchestres. Surtout à la fin des années 1950. On a vu se produire des orchestres uniquement composés de trombones ou de saxophones mais jamais de cor. Entrez dans cet univers pour vivre une « inquiétante familiarité ». Les thèmes sont connus et pourtant…
Nicolas Béniès.
« The Mallet-Horn Jazz Band, Guest Arkady Shilklopper », Klarthe Records (www.klarthe.com) distribué par Harmonia Mundi.
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