Mark Frost, le créateur de Twin Peaks, Américain de surcroît, s’est lancé, pour son premier roman « La liste des sept », à la poursuite de Conan Doyle. Le procédé littéraire est connu. Se servir de la matière des romans et nouvelles pour faire vivre à l’auteur les aventures imaginaires de son héros.
En 1884, Doyle est un jeune médecin sans véritablement de clientèle. Il écrit un roman qui fait la part belle à l’occultisme, en dénonçant les faux médiums, avec ce qu’il faut d’appels au diable sous toutes ses formes et à un complot pour se saisir du pouvoir dans cette Grande-Bretagne de la Reine Victoria dont le règne s’éternise. Son manuscrit est refusé. On sait qu’il obtiendra la consécration avec les enquêtes de Holmes. Qu’il fera mourir puis ressusciter, sous la pression du public et même de sa mère ; Holmes avait « mangé » Doyle.
Mark Frost a décidé de lui redonner vie. En lui faisant vivre la vie du Dr Watson. Il fallait donc trouver un personnage acceptant de prendre à son compte la biographie de Sherlock. Ce sera Jack Sparks. La figure classique de Moriarty sera celle du frère de Jack, Alexandre. Tous les lecteurs fidèles de Conan Doyle ont reconnu les figures du Bien et du Mal, faces d’une même médaille, issues du même moule.
Pour Frost, tout part du livre – il faudrait, peut-être, mettre une majuscule pour faire penser au « Good Book », la Bible -, de ce manuscrit envoyé par Doyle à tous les éditeurs. La fiction rejoint la réalité. Une thèse qui se défend. Les romanciers ont quelque fois la prescience de l’avenir. Il fait la preuve qu’il connaît l’univers du père de Holmes et de ce curieux Dr Watson, un univers qu’il a visité de fond en comble. Il n’a pas fréquenté que les avenues mais aussi les ruelles, les impasses pour rendre compte à la fois de cette Grande-Bretagne bousculée par le colonialisme, les progrès technologiques et la révolution industrielle.
La description de ces « zombies » travaillant le regard vide dans des conditions proches de l’esclavage dans des mines de charbon ou d’autres est proche de la réalité de ces temps que l’on voudrait anciens. Il n’est pas besoin de lobotomiser les cerveaux… Il passe sans s’arrêter sur le travail des enfants qui les fait vieillir rapidement.
Pour le reste, le public de cette tentative se partagera en deux. Ceux et celles qui ont lu les aventures de Sherlock et du bon docteur et les autres. Les premiers auront l’impression du « déjà lu » et rechercheront les correspondances, les références, les autres liront une aventure bien écrite mais d’un intérêt limité. Pour ces derniers, les développements apparaîtront un peu longs, bloquant l’action.
C’est la limite de l’exercice. Faire vivre à l’auteur la vie de ses fictions suppose que le lecteur soit un habitué des œuvres de Doyle pour sourire et même rire de cette mise en situation.
Nicolas Béniès.
« La liste des sept », Mark Frost, traduit par Jean-Michel Dulac, 10/18 Grands détectives.
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