Condamnée à la prison à perpétuité pour meurtre, Leïla voit sa peine réduite à douze années d’incarcération grâce à l’intervention d’un vieux prêtre aveugle à qui, en retour de sa libération, elle va devoir servir d’assistante.
Sa mission consiste essentiellement à lire les lettres et à répondre à l’abondant courrier que le facteur apporte chaque jour au presbytère, dans lesquelles, des quatre coins du pays, de nombreuses personnes demandent au prêtre des prières et des conseils.
Indifférente au contenu pathétique des enveloppes, Leïla va tenter de profiter de la cécité de son hôte avant de l’abandonner.
Cependant, elle réapparaîtra pour lui lire une dernière lettre. Celle qui contient les confessions d’une meurtrière et la révélation des raisons qui l’ont conduite au drame….
Le film de Klaus Härö est un modèle de concision.
De la scène d’ouverture jusqu’ à celle qui clôt le récit, l’enchaînement des plans sert une narration d’une intense sobriété, centrée sur les seuls deux personnages de Leila et du Père Jacob auxquelles s’ajoutent les apparitions ponctuelles du facteur.
Le ciselé de chaque cadrage, la netteté de chaque séquence, la précision de chaque situation viennent en contraste avec l’ambiguïté du comportement hostile de Leila qui charge l’arrière-plan du récit et distille une impression de constant malaise.
L’hostilité de Leïla à l’égard de son bienfaiteur est d’autant plus menaçante et pesante qu’elle ne s’explique pas. Pourquoi, alors qu’elle devrait être reconnaissante au Père Jacob d’être à l’origine de sa remise de peine, s’acharne-t-elle sournoisement sur sa personne démunie et vulnérable ?
Sachant que la livraison quotidienne de lettres représente son essentielle raison de vivre, pourquoi en prive-t-elle le vieil homme ?
La santé mentale du prêtre est-elle en cause ? (Il craint d’être en retard pour célébrer un mariage mais l’église restera déserte et ce n’était pas non plus pour un baptême que le vieil homme s’était déplacé) ou bien est-ce Leïla dont le comportement intrigue ?
Le récit, au fur et à mesure de ses lentes avancées, laisse planer sur le personnage vulnérable de l’aveugle une impression de danger à peine perceptible.
Avec une économie de l’image qui distille une atmosphère à la fois paisible et inquiète, une continuité narrative minimaliste mais non dépourvue d’ampleur, on pense à Dreyer mais aussi à Bergman…
« Les lettres au père Jacob » qui est l’histoire de deux solitudes, puise au plus profond de l’âme humaine, ce qu’elle peut avoir de pur ou de machiavélique.
Magnifique.
Francis Dubois
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