Roué de coups au bas d’un immeuble par une bande de loubards à la suite d’un banal échange d’insultes, Eddie charge à tort Ahmed, dont le visage ne lui est pas inconnu pour l’avoir croisé lors d’un entretien d’embauche quelque temps auparavant.
Eddie persiste à plusieurs reprises dans son accusation devant le juge. A-t-il très vite ressenti un doute à propos de son accusation ou bien est-il certain d’avoir identifié un des coupables de l’agression dont il a été victime ?
Alors que la machine judiciaire s’emballe pour Ahmed, Eddie tente de redevenir crédible auprès de sa femme et de son fils. Il trouve un travail de manutentionnaire dans la société où travaille Karine et semble avoir retrouvé de la sérénité en renouant avec la vie de famille.
Lorsque les investigations policières paraissent aller dans le sens de l’innocence d’Ahmed, le doute s’installe dans l’esprit d’Eddie.
Conscient de la gravité d’une accusation à tort, il décide de revenir sur ses déclarations.
Au moment où il va rétablir la vérité et trouver l’apaisement, il est rappelé à sa violence naturelle en découvrant l’infidélité de Karine.
Eddie est un individu complexe. Impulsif, orgueilleux, luttant sans doute contre de vieux démons qui le poursuivent depuis l’enfance, il est un rebelle.
Malgré l’amour qu’il porte à Karine (elle est une sorte de balancier pour l’équilibriste qu’il est), l’amour qu’il porte à son fils (même s’il n’arrive pas à trouver une bonne posture de père), Eddie est dans l’incapacité de coller au schéma d’une vie à laquelle pourtant, il aspire.
Il persiste dans son état de marginal alors qu’il ne rêve que de se couler dans le moule et de donner aux autres une image satisfaisante.
Mais au lieu de devenir une belle personne, un bon père, un bon mari, un homme respectable, il va faire voler en éclats tout ce qu’il avait tenté de construire.
Pendant toute une première partie de son film, Emmanuel Finkiel ajoute régulièrement à la ligne de son récit une nouvelle ramification au risque de trop « charger la barque » et de perdre de vue ou d’égarer son sujet.
Il y a même, par moments, une lenteur dont on craint qu’elle ne dissimule sous des strates narratives, l’essentiel du propos.
Mais si Emmanuel Finkiel persiste dans sa démarche, s’il ne quitte en cours de route aucune des pistes qu’il a ouvertes, s’il étire parfois son récit, c’est pour mieux aller jusqu’au bout du personnage d’Eddie.
On peut appréhender, dès qu’on les pressent, les séquences finales et pourtant elles étaient nécessaires pour faire de « Je ne suis pas un salaud » en même temps qu’une « œuvre pleine et totale » un film dérangeant qui renvoie aux faiblesses de l’être humain, à l’image calamiteuse que les reflets nous renvoient parfois de nous-mêmes et à laquelle il faut se confronter.
Nicolas Duvauchelle grandit de film en film. Il s’acquitte ici magnifiquement d’une partition d’autant plus risquée que le personnage d’Eddie appartient à son registre de jeu habituel. Il parvient à renouveler complètement l’emploi et à éviter les pièges.
Mélanie Thierry n’est pas en reste pour lui donner la réplique. Ils forment réunis, un couple émouvant, pathétique.
Et le film où Emmanuel Finkiel joue le tout pour le tout, interroge sur des problèmes brûlants d’actualité et emporte l’adhésion.
Francis Dubois
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