Le Docteur Mukwege, Prix Sakharof 2014, est devenu une sommité à l’échelle internationale grâce au travail qu’il réalise au Congo, auprès des femmes victimes de viols.
Le viol est devenu une arme de guerre. Depuis vingt ans, les conflits qui se produisent à l’est de la République Démocratique du Congo, un pays parmi les plus pauvres de la planète, engendrent des violences de toutes sortes envers les femmes et les fillettes. Des viols mais également des mutilations, commis souvent avec un acharnement criminel, guidé par le plaisir de détruire, mais également à des fins parfois horriblement mercantiles ou encore lies à la pensée magique.
Le Docteur Mukwege mène une lutte incessante pour tenter de mettre un terme à ces atrocités et dénoncer l’impunité dont jouissent les coupables.
Mais il est également actif dans son hôpital de Bukavu où, avec son équipe, il « répare » les femmes mutilées, les fillettes souffrant de lésions d’organes qui, dans de nombreux cas, les priveront à vie de leur féminité et de la possibilité de devenir mère.
Menacé de mort, il travaille sous la protection des Casques bleus de la Mission des États-Unis au Congo.
Même s’il est maintenant obligé d’intervenir chirurgicalement sur des enfants violés, issus de viol, il ne perd pas espoir de voir les choses changer un jour.
Car, depuis plusieurs années, il n’est plus seul à lutter.
A ses côtés, se trouvent maintenant des femmes à qui il a restitué intégrité physique, dignité et confiance en elles et qui sont devenues, grâce à lui, des militantes de la paix, désireuses d’une justice qui prendrait la mesure du drame et sanctionnerait les auteurs d’actes criminels.
Le Sud-Kivu, en bordure du lac du même nom, est une région magnifique située aux frontières avec le Rwanda et le Burundi.
C’est cette partie du Congo qui a subi plusieurs crises humanitaires successives et qui a été le théâtre de plusieurs guerres assorties d’atrocités à l’encontre des populations civiles et en particulier des femmes.
Le film de Thierry Michel et Colette Braeckman traite de ces différents épisodes criminels en suivant l’histoire et le combat du Docteur Mukwege tant sur place que sur la scène internationale lors de ses déplacements en Europe et aux États-Unis où il est régulièrement invité à rendre compte de la réalité de la situation des femmes de Kivu.
Le film révèle la force et la détermination de cet homme qui espère en l’avenir de la société congolaise. Il propose des portraits en miroir : d’un côté, le docteur et de l’autre, ses patientes et ses ex-patientes.
D’un côté, le médecin qui accueille les femmes dévastées physiquement et psychologiquement et pour qui il représente l’ultime espoir ; et de l’autre, des femmes qui se reconstruisent et renvoient à leur bienfaiteur des raisons d’espérer quand ce dernier, saisi par le doute et le découragement en arrive à s’interroger sur l’efficacité de sa mission.
« L’homme qui répare les femmes » est un film optimiste qui espère en une implication internationale active, une prise en main du problème qui viendrait au secours des réactions individuelle et collective, qui se révèlent dans le pays.
Car la population s’organise pour observer, informer, contrôler. Il existe maintenant des collectifs de femmes qui ne taisent plus la corruption et n’hésitent plus à dénoncer leurs agresseurs.
Les solutions proposées sont parfois radicales (grève du sexe, castration des violeurs) mais ce qu’il faut en retenir, c’est qu’elles révèlent l’émergence d’une conscience féminine et féministe.
Au centre du film, il y a le personnage du docteur Mudwege charismatique et déterminé, la révélation de son ampleur médiatique.
Si certaines séquences du film sont à peine supportables, on peut noter d’un témoignage à l’autre, l’évolution d’une prise de conscience et la certitude grandissante chez les femmes qu’elles ont, elles-mêmes, à titre individuel ou à titre collectif, un rôle à jouer…
Un documentaire d’une grande force.
Francis Dubois
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