Il faut saluer l’initiative d’Éric Ruf qui a invité la jeune metteure en scène Maëlle Poésy à présenter ces deux courtes pièces de Tchekhov en dirigeant des acteurs confirmés et bien plus âgés qu’elle.
Le chant du cygne est la rencontre, dans une salle de théâtre déserte la nuit, d’un vieil acteur et du souffleur. Le premier sous l’effet de la vodka s’est endormi dans sa loge après la représentation, le second habite en secret le théâtre faute d’autre abri. Dans la nuit propice aux confidences le vieil acteur évoque sans complaisance sa carrière faisant revivre avec génie ses grands rôles mais aussi ses regrets des rôles qu’on ne lui a pas confiés.
L’ours est une comédie qui fait se rencontrer une jeune veuve décidée à s’enfermer dans le deuil d’un mari très aimé, quoique bien volage, et d’un propriétaire foncier, militaire plutôt rustre, venu réclamer le remboursement d’une dette contractée par le défunt et exigeant un paiement immédiat. Leur face à face de moins en moins policé révèle deux natures impétueuses et un personnage de femme assez différent de ce à quoi s’attendait le jeune homme.
Maëlle Poésy a choisi d’associer ces deux courtes pièces car toutes deux parlent de renoncements, de regrets et d’espoir de retour à la vie. La première est chargée d’émotion mais aussi d’humour, la seconde cache beaucoup d’humanité sous ses ressorts de comédie.
Elle a eu l’idée d’un décor unique pour les deux pièces, une cuisine où se côtoient des meubles et une décoration assez hétéroclites. C’est le décor de la pièce qui se jouait au théâtre dans Le chant du cygne et le lieu du duel, pas seulement verbal, entre la jeune veuve et le militaire dans L’ours. C’est un lieu fermé propice aux rencontres, aux confidences comme aux joutes. Pour ces personnages, dont Maëlle Poésy dit qu’ils sont « comme suspendus dans un entre-temps, entre la nostalgie de ce qui n’est plus et l’espoir de ce qui n’est pas encore » elle a choisi un acteur qui fait un lien entre les deux textes. L’excellent Gilles David est le vieux comédien du chant du cygne et l’intendant de la jeune veuve, qui au début de L’ours, lui conseille de sortir du deuil et de vivre sa jeunesse. Christophe Montenez avec son petit bonnet et son duvet de SDF est le souffleur. Il ne souffle plus, il écoute avec attention l’acteur. Chez Tchekhov dans L’ours, c’est un vieux militaire qui est aux prises avec la jeune veuve. Maëlle Poésy a choisi deux acteurs jeunes, ce qui donne un ton nouveau à la joute entre les deux personnages quant au rôle des femmes et à leur image. Julie Sicard, en veuve éplorée qui se transforme en furie, et Benjamin Lavernhe, en butor brusquement séduit sont excellents.
Cette courte soirée (une heure), qui nous fait passer en quelques répliques de l’émotion au rire, est un pur régal de théâtre.
Micheline Rousselet
Du mercredi au dimanche à 18h30
Studio-théâtre de la Comédie-Française
99 rue de Rivoli, Galerie du Carrousel du Louvre, 75001 Paris
Réservations : 01 44 58 15 15 ou par internet www.comedie-francaise.fr
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