Théâtre : Argument

La nouvelle création de Pascal Rambert crée la surprise en nous emmenant à l’époque de la Commune où les idées révolutionnaires et féministes affrontent les convictions conservatrices. Mais c’est toujours un couple qui se déchire qu’il met en scène, cette fois sous le regard d’un enfant, témoin silencieux. L’homme, un bourgeois réactionnaire, est dévoré d’une jalousie provoquée par un médaillon, à ses yeux suspects. Il aime voluptueusement sa femme mais la hait aussi, parce qu’elle se refuse à lui. Il l’imagine rêvant sur les personnages représentés dans les toiles de Jouy qu’il fabrique. Il lui reproche de lire des romans et d’avoir des sympathies socialistes. Il voudrait la tuer, elle menace de se tuer, il brandit un couteau et elle un revolver colibri. Pourtant il y a aussi des moments de tendresse et s’il a cherché à la détruire par ses paroles et ses coups, il ne peut s’en détacher et ira la chercher au-delà de la mort.
La peur d’aimer, la peur de n’être pas aimé, la distance qui se creuse entre les époux, la crainte d’être trompé, la mort de l’autre que l’on souhaite et qui au final laisse d’amers regrets, tout cela nourrit le texte d’Argument. Le texte est ancré dans l’époque évoquant les ouvriers révoltés contre leur patron ou la belle Annabelle criant « je ne suis pas une pondeuse, je suis une liseuse » mais s’allège aussi vers une rêverie poétique.

Théâtre : Argument
Théâtre : Argument

Comme souvent, Pascal Rambert a écrit cette pièce en pensant aux deux interprètes qu’il a choisis. C’est dans une atmosphère nocturne, trouée par le bruit de la pluie, le grondement des vagues et les brumes qui envahissent le plateau, qu’il a placé les deux époux. Marie-Sophie Ferdane, merveilleuse dans sa robe Second-Empire ou en spectre de mariée, toute de blanc vêtue, fait face à Laurent Poitrenaux en costume ou en chemise. La première recule, a peur, s’arrête au bord du gouffre, mais se redresse aussi criant « Je suis votre épouse pas un chien ». Lui avance, menace mais s’arrête interdit devant ce corps qui se refuse, ignore l’enfant mais a peur de son regard de corbeau. Cet enfant mystérieux, silencieux est le témoin des combats de ses parents, voit sa mère répéter avec terreur à son père « reculez, ne m’approchez pas », siffle comme pour faire cesser les hurlements du père, suffoque ou s’envole comme un oiseau nocturne. Dans la bouche des deux amants, le chant funèbre acquiert une force hypnotique. C’est magnifique.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 30 janvier du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30.
Á partir du 31 janvier et jusqu’au 13 février les mardi et jeudi à 19h30, mercredi, vendredi et samedi à 20h30, le dimanche à 15h.
Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 41 32 26 26
www.theatredegennevilliers.com

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