Claude Chabrol a souvent dissimulé la profondeur de ses films derrière un détachement, une ironie pour se présenter simplement comme un « faiseur », un artisan. Pourtant, à ce bon vivant, le noir lui sied comme un gant de boxe à un boxeur.
Ran Blake, pianiste et spécialiste des films dits « noirs » en français et de série B, en redonne comme le substantiel suc via la musique qu’il a composée pour la plus grande partie des pièces qu’il présente dans cet album Impulse sobrement intitulé « Chabrol Noir ». Ces 17 compositions peuvent s’entendre comme une suite. Elle commence par « Cemetery », pour bien marquer l’ambiance et se termine bizarrement par un thème de Michel Legrand extrait des « Parapluies de Cherbourg », « Watch what happens », qu’est-il arrivé ? Est une bonne question de fin. On se le demande encore. Façon de justifier d’entendre cette musique une nouvelle fois pour essayer d’en épuiser la beauté et l’angoisse.
Il est en compagnie, pour certains thèmes, du saxophoniste Ricky Ford avec qui il a déjà enregistré, un de ses possibles élèves et de Dominique Eadé, vocaliste étrange bien dans l’univers du pianiste pour rendre encore plus mystérieux cette référence à la « Rupture » intitulé « I’am going to see my son ».
Il arrive, en écoutant certaines des compositions, de voir évoluer cette créature venue d’on ne sait quels cieux, remplir l’écran des jours noirs de Chabrol, Isabelle Huppert et d’autre Jean Yanne dans « Le boucher » ou d’autres encore. Un vrai festival.
L’art de Ran Blake est fait de ces évocations jouant sur la pédale du piano pour appeler à la rescousse les harmoniques qui flottent et s’évaporent tout en laissant transpirer quelque chose qui pourrait s’apparenter à une image aussi vite disparue que parue. Du grand art.
Nicolas Béniès .
« Chabrol noir », Ran Blake, Impulse/Universal.
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