Au moment où Kate et Geoff s’apprêtent à fêter avec leurs amis leur quarante cinquième anniversaire de mariage, Geoff reçoit un courrier où on lui annonce que le corps de Katya qu’il s’apprêtait à épouser il y a cinquante ans et qui a disparu dans une crevasse des Alpes italiennes vient d’être retrouvé au cours d’une ascension.

La nouvelle renvoie le vieil homme à ses souvenirs lointains mais étonnamment vivaces et lui procure une émotion qui projette Kate dans une jalousie imprévisible qu’elle contient avec beaucoup de difficulté.

L’événement jette une ombre sur toute la vie du couple.

L’anniversaire de mariage aura lieu mais ne sera-t-il pas le dernier moment d’harmonie qu’auront connu Kate et Geoff.

Cinéma : 45 ans
Cinéma : 45 ans

Andrew Haigh pose le problème d’entrée avec l’arrivée au courrier de la lettre fatidique dès les premières images du film.

C’est plus tard, dans le déroulement du récit qu’on découvrira la personnalité des protagonistes, les habitudes du couple, le déroulement de leurs journées, leurs préoccupations immédiates essentiellement domestiques, l’absence de descendance et l’attachement que Kate et peut-être également Geoff, portent à leur chien dont la promenade matinale semble être un moment important dans l’emploi du temps de la septuagénaire.

Le récit conduit en parallèle le comportement de Geoff dès l’annonce de la découverte du corps de Katya et la lente progression de celui de Kate depuis l’élan de tendresse envers son époux jusqu’à l’emprise de la jalousie irrépressible.

Un des intérêts du film est dans le sentiment de jalousie qui s’empare de Kate alors que tout, dans sa façon d’être, laisse imaginer un esprit positif qui devrait l’aider à surmonter l’épreuve.

Avec l’intérêt que Geoff porte au souvenir de cet ancien amour, se déclenche chez la septuagénaire des sentiments face auxquels elle se retrouve d’autant plus démunie qu’ils lui sont inhabituels sinon totalement étrangers.

Des sentiments qui lui sont d’autant plus incontrôlables que Geoff, tout à ses préoccupations, n’a que peu d’égards envers elle, peut-être parce que, croyant connaître la force morale de sa femme, il n’imagine pas qu’elle puisse être bouleversée et affaiblie.

La solidité d’un vieux couple (dans la nouvelle de David Constantine dont le film est l’adaptation, les protagonistes ont quatre-vingts ans) réside dans la parfaite connaissance l’un de l’autre et de son registre de réactions.

Or là, le jeu des relations est brouillé.

Andrew Haigh a placé Geoff dans le mouvement intérieur et de comportement alors qu’il a mis Kate, saisie d’un questionnement vertigineux, dans un état d’observation inquiète.

Le film procède par touches successives pour signifier à la fois la complicité issue de plusieurs décennies de vie commune et les craquelures irrémédiables qui peuvent survenir alors qu’on pouvait croire l’édifice inébranlable.

« 45 ans  » repose entièrement sur l’interprétation toute en nuances de Charlotte Rampling, sur la force qu’elle donne à son personnage qui pourrait aussi bien relancer la « machine » conjugale, ou au contraire provoquer sa destruction définitive.

Francis Dubois


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