Tous les films qu’a réalisés à ce jour Malek Bensmaïl sont liés à l’histoire de son pays.
Cette fois, il pose sa caméra dans les locaux du célèbre quotidien algérien « El Watan », un média francophone qui agit dans le pays comme un nécessaire contre-pouvoirs à une démocratie malmenée, en pleine campagne électorale, au moment où Bouteflika s’apprête à briguer un quatrième mandat.
Ce film est une rencontre avec celles et ceux qui « font » le journal internationalement connu et reconnu..
Tous ceux qui, avec leurs doutes et leurs contradictions, partagent un même objectif : le souci commun jamais démenti de proposer chaque jour des pages libres et indépendantes.
« Contre-Pouvoirs » est une réflexion sur le travail et la pensée journalistique.
« El Watan » est le plus important quotidien algérien actuel. Il a été fondé en 1990. Tiré à 130 000 exemplaires, il est né sous Chadli, il a espéré sous Boudiaf, résisté sous Zéroual et survécu sous Bouteflika ».
Le système politique verrouillé et autoritaire a cependant permis il y a vingt-cinq ans, l’unique liberté possible, celle de l’expression de la presse écrite.
La presse privée algérienne est ainsi née dans un contexte de violence politique, à une période au cours de laquelle journalistes et intellectuels étaient considérés comme les ennemis à abattre.
Aujourd’hui, la violence à l’égard des médias s’est atténuée mais les journalistes restent les adversaires ou les prisonniers des dirigeants politiques.
Dans un pays où il est plus facile de définir les contre-pouvoirs que le pouvoir, où le contre-pouvoir est un lieu de désobéissance et non pas un contrepoids comme dans les démocraties, le film de Malek Bensmaïl accompagne l’épisode de la campagne électorale à l’issue de laquelle Bouteflika s’est vu confirmé dans ses fonctions pour la quatrième fois et selon la une du journal au lendemain de l’élection, « élu dans un fauteuil » (en référence au fauteuil dans lequel il se déplace depuis un accident cardiaque).
Les journalistes algériens ont longtemps été les oubliés de l’histoire douloureuse de leur pays.
Le film de Malek Bensmaïl les réhabilite.
Il s’agit pour la première fois de s’intéresser à eux à distance d’une actualité sanglante ou « printanière ».
« Contre-Pouvoirs » prend le temps de les observer, le les écouter, de saisir et d’examiner la pensée, la réflexion et leur travail au quotidien.
La presse apparaît ici comme un fait d’observation : qu’en est-il du pouvoir de la presse dans le pays ? Quelles sont ses formes diverses ? A-t-elle un pouvoir réel ? Joue-t-elle un rôle de soupape ? Comment fonctionne-t-elle ? Quelles sont les forces qui l’habitent et qu’est-ce qu’une presse indépendante dans cette forme de démocratie ?
« Contre-Pouvoirs » est un documentaire passionnant qui fait la lumière une réalité politique contestée.
Le film est dédié à tous les journalistes assassinés durant le décennie noire.
Francis Dubois
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