Les dorayakis sont des pâtisseries traditionnelles japonaises constituées de deux pancakes fourrés d’une pâte de haricots rouges confits.
Au cours de sa promenade hebdomadaire, Tokue, une femme de soixante-dix ans, attirée par l’odeur des gâteaux, entre dans l’échoppe de Sentaro.
Elle est savante dans la préparation de la pâte de haricots confits qui nécessite beaucoup de temps et de soin ; elle propose ses services.
Sentaro finit par accepter qu’elle devienne son assistante.
Au moment où l’échoppe trouve un nouvel essor, où la foule se presse pour déguster les gâteaux devenus délicieux, le passé de Tokue ressurgit.
Hébergée dans un centre où vivent d’anciens lépreux, on découvre qu’ elle a été autrefois atteinte par cette maladie.
La nouvelle se répand. Du jour au lendemain, l’échoppe se retrouve désertée.
Wakana, une lycéenne solitaire, friande de dorayakis et habituée de l’échoppe est malheureuse en famille. Sa mère la met en demeure de se débarrasser du canari qui est son compagnon. Elle fait une fugue.
Un lien finit par se tisser entre Tokue, Sentaro et Wakana sur les bases de la marginalité où la société les a plongés.
Le film de Naomi Kawasé est un magnifique mélodrame qui ne fait l’économie d’aucun des rouages allant dans le sens du genre.
Une vieille dame souffrant de solitude et qui, dès lors qu’elle a pu redonner un sens à sa vie; rayonne ; une adolescente en souffrance qui reporte un manque d’affection sur un oiseau en cage et un homme qu’un passé douloureux poursuit sont les protagonistes de ce récit dont les histoires en s’entremêlant, révèlent les abîmes de la solitude et la possibilité pour les laissés pour compte les plus marginalisés, de renaître à la vie
Mais si « Les délices de Tokyo » obéit aux codes du mélodrame, c’est aussi un film joyeux, lumineux et résolument optimiste.
Naomi Kawasé, par la forme qu’elle donne à son récit, par la précaution avec laquelle elle amène les protagonistes à s’approcher les uns des autres pour que finisse par naître entre eux la complicité bienfaitrice qui pansera les plaies, déjoue les risques d’apitoiement.
Il n’y a aucune complaisance dans la quête de chacun et personne n’est redevable à l’autre de la générosité qu’il lui témoigne. Les situations s’organisent de telle sorte que se mettent en place de façon feutrée et dans une grande discrétion narrative, les éléments nouveaux qui vont permettre à l’homme et à l’adolescente de bénéficier des bienfaits de la sagesse que la vieille dame a acquise au cours d’une existence cadenassée par sa terrible maladie.
« Les délices de Tokyo » donne toute son importance à ce qui, en apparence, n’en a pas : ainsi, une simple recette de cuisine peut changer des vies.
La photographie est magnifique, les comédiens sont remarquables et c’est à la subtile construction du récit que le film de Naomi Kawasé doit d’échapper à tous pathos et de révéler dans une grande simplicité narrative, les effets d’ un peu de générosité échangée.
Francis Dubois
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