Comme chaque année à l’approche de Noël, Hector McAdam quitte l’Écosse pour se rendre à Londres où il est certain de trouver apaisement et un peu de chaleur dans un refuge où il a ses entrées et qui offre un bon dîner de fête aux sans-abri.
Mais cette fois-ci, Hector souffre d’une jambe et doit, dès qu’il sera de retour de son voyage, être hospitalisé pour une intervention chirurgicale qui lui laisse penser que le périple qu’il entreprend cette fois-ci risque bien d’être le dernier.
Hector soigne sa personne du mieux qu’il peut. Il a appris à accepter les gens et les choses telles qu’elles se présentent et transporte, comme un fardeau auquel il s’est habitué, une histoire passée particulièrement douloureuse doublé d’un sentiment de culpabilité…
Cet homme charismatique, dont les blessures anciennes sont à peine perceptibles, après plus de dix ans de silence, va tenter de renouer avec sa famille, une sœur et un frère auxquels il était lié. Mais ces retrouvailles qui échoueront vont le renvoyer à ce qui est devenu dorénavant sa vraie famille, celle des sans-abri, des laissés pour compte sur lesquels pèsent tant d’à-priori négatifs…
La première demi-heure du film est épatante. Elle donne un éclairage nouveau au monde singulier de ceux que les aléas de la vie ont contraint au jour le jour et à l’errance.
Hector apparaît, dans la présentation de son personnage, comme ce qu’il fut avant le drame qui a brisé sa vie, l’a conduit à rompre avec ses proches et à trouver dans l’anonymat de la rue, une possibilité de survie.
Il est encore beau, soigné. La voie qui s’est imposée à lui et pour laquelle il a fini par opter ne l’a pas amputé de sa dignité. Il appartient à la fois au monde de la rue, à la précarité mais il y a chez lui, une force et une tranquillité qui le tiennent à distance de la marginalité où il s’est désormais installé.
Jake Gavin a été bénévole pour une association qui prend en charge les sans-abri et organise entre autre, des repas de Noël pour les personnes qui se retrouvent seules et sans ressources.
C’est en travaillant pour » Crisis at Christmas » qu’il a croisé des individus qui traversaient le pays du nord au sud pour l’accueil et la qualité du menu qui y étaient proposés.
Ils effectuaient ce véritable pèlerinage dans le seul but de passer Noël en compagnie de visages familiers.
La bonne connaissance du monde des sans-abri, de leur fonctionnement, des mentalités, permet à Jake Gavin de réussir parfaitement la première partie de son film qui, si elle s’attache à des personnages et notamment de celui d’Hector, repose sur une solide base documentaire.
La période intermédiaire, celle du déroulement du voyage au hasard d’un stop parfois incertain et exposé à toutes les intempéries, se développe de façon plus attendue.
Mais ce sont les retrouvailles avec sa sœur (le personnage du beau-frère est caricatural) et son frère qui permettent à Hector de découvrir qu’une vie confortable mais ordinaire n’a guère d’attraits, qui gâtent un peu le récit.
Dés-lors, le film n’a plus qu’un seul intérêt : la présence charismatique du personnage d’Hector et la qualité de l’interprétation.
Peter Mullan (Il obtint le Prix d’interprétation masculine à Cannes en 1998 pour sa performance dans le film de Ken Loach « My name is Joe « ) y est magnifique.
Il donne à Hector une ampleur en passant par toutes les nuances de jeu et son visage où se lisent, sans jamais se démarquer d’une totale maîtrise de soi le désarroi, l’inquiétude, les questionnements laisse entrevoir chez lui une part de candeur, la fraîcheur d’un regard qui n’aurait pas ,malgré toutes les épreuves traversées, complètement fait le tour de la « question de la vie ».
Un beau portrait d’homme entre dérive et dignité.
Francis Dubois
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