Depuis leur toute petite enfance, Julien et Marguerite, les enfants du seigneur de Tourlaville et de Madeleine de Ravelet, son épouse, ont toujours éprouvé un amour tendre l’un pour l’autre.
L’abbé de Hambye lié à la famille est le premier à trouver excessif le sentiment qui lie le frère et la sœur. Il conseille au Seigneur de Tourlaville d’éloigner Julien de Marguerite et sous le prétexte de leur faire découvrir le monde et de parfaire leur éducation, envoie le garçon et Philippe son frère cadet, séjourner dans les capitales du monde les plus prestigieuses.
Lorsque Julien est de retour, il a atteint l’âge d’homme et Marguerite, résignée, est sur le point d’épouser un garçon de bonne famille.
Mais très vite, les retrouvailles de la sœur et du frère s’enflamment jusqu’à les amener à découvrir que la tendresse qui les a toujours liés, sans doute exacerbée par la séparation, s’est muée en une passion amoureuse.
Pour combattre cet amour interdit, Marguerite se voit contrainte d’épouser Lefèvre, un homme plus âgé qu’elle, fortuné mais pour lequel elle n’éprouve aucune amitié.
Julien décide alors de délivrer Marguerite de cette union et il organise son enlèvement.
Dès lors qu’il y sera parvenu, ce sera, pour le couple incestueux, une vie clandestine de fuite, d’errance et d’amour…
Au festival de Cannes dernier, le film de Valérie Donzelli a reçu un accueil pour le moins mitigé.
Pourquoi « Marguerite et Julien » qui est l’adaptation d’un scénario qu’en 1973, Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut, a-t-il été boudé ?
Jean Gruault s’était inspiré d’un fait réel et le film était destiné à respecter l’époque (la fin du Moyen âge) et devait être traité au plus près des faits historiques.
Valérie reprend la trame de l’histoire mais fait l’économie de la réalité historique.
Elle s’en éloigne en choisissant de réaliser un film intemporel, fait d’anachronismes et d’emprunts à différentes époques, en faisait large part à l’époque actuelle et elle invente, à partir de ce choix, un univers qui défie les règles de la temporalité au cinéma.
Son film, d’une grande liberté, pourrait avoir été conçu selon la phrase de Cocteau : » L’histoire, c’est du vrai qu’on déforme, la légende, du faux qu’on incarne »
Qu’est-ce que la critique et le public n’ont pas pardonné à Valérie Donzelli et à ses choix ?
A-t-on vu dans la totale liberté de la construction de son film, de l’arrogance, une audace qui lui aurait fait transgresser les règles du genre, pour se livrer à des seules espiègleries, à des pieds- de -nez à la règle ?
Dans ce cas, la critique se serait justifiée si la cinéaste n’avait pas fait preuve de rigueur, suivi une vraie ligne, celle qu’elle a choisie et dont elle ne se démarque jamais.
Lui reproche-t-on l’ampleur de la réalisation, son ambition de réalisatrice qui a choisi de filmer les lieux mêmes où se situaient les faits, des extérieurs dans toute leur ampleur ? Lui reproche-t-on d’avoir fait enfiler à l’héroïne, un pull à motif actuel sur une robe d’époque ?
Cela et tout ce qui aurait pu provoquer cette volée de bois vert cannoise ne se justifie nullement car il y a chez cette cinéaste, dans le traitement de son film, un courage qu’on ne peut lui reprocher, une force romanesque, une rigueur, une cohérence, une honnêteté de « conteuse » inspirée qui aurait dû, au contraire lui valoir au lieu de critiques, des louanges.
« Marguerite et Julien » est un film magnifique, une œuvre dans la meilleure tradition populaire, romanesque, enflammée et sincère, portée par une pléiade de comédiens formidables.
Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm vont parfaitement ensemble mais il y a aussi, pour consolider « l’édifice » des acteurs rares qui marquent de leur talent des personnages secondaires comme Catherine Mouchet, Sami Frey ou Géraldine Chaplin…
Un enchantement.
Francis Dubois
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