André mène une vie rangée entre son histoire d’amour avec sa copine Léone, ses parents et son travail de menuisier.
Mais son patron a décidé qu’on ne porterait pas de cheveux longs dans son entreprise.
André qui se sent atteint dans sa liberté et sa dignité avec cette interdiction arbitraire, va se lancer dans un combat qu’il n’est pas du tout sûr de gagner.
Présenté à la « Quinzaine des réalisateurs » en 1974, ce film de Philippe Condroyer est resté méconnu du public.
Il fut, sans doute à cause de cette absence injuste de reconnaissance, la dernière réalisation cinématographique du metteur en scène qui, par la suite, se consacra exclusivement à des tournages de films pour la télévision et ceci, malgré le succès qu’avaient connu « Tintin et les oranges bleues » en 1963 et « Un homme à abattre » en 1966 avec Jean-Louis Trintignant.
Philippe Condroyer écrivit le scénario de « La coupe à dix francs » en quelques jours seulement, alors qu’il était sous le coup de l’émotion après la lecture d’un article relatant un fait divers survenu le 24 septembre 1970 à Argentré-du-Plessis en Ille-et-Vilaine et concernant le jeune employé d’une menuiserie locale qui portait des cheveux longs, ce qui n’était pas du goût de son employeur.
Quarante ans plus tard, le film résonne toujours autant et son sujet n’a pas pris une ride.
Et même si « La coupe à dix francs » est sur certains points très marqué par l’époque (on est seulement 6 ans après 1968) : conditions de vie, tenues vestimentaires, fonctionnement d’une petite entreprise artisanale et, si, en cela, il a pris, avec le temps, valeur de document sur la période post-soixante-huitarde, il reste d’actualité sur l’essentiel; et (malheureusement) intemporel.
A peine certaines situations sont-elles teintées d’un vernis suranné qui ajoute au charme de cette minutieuse et douloureuse chronique sur la France profonde d’alors.
Philippe Condroyer dépeint avec soin et sans jamais forcer le trait, le petit monde de l’entreprise soumis à l’autorité patronale, les atmosphères de la vie semi-rurale, la précarité de l’emploi, la frilosité syndicale, les relations à l’intérieur de la famille et le fossé qui s’est creusé entre les parents figés dans des comportements de docilité et les jeune éveillés à d’autres exigences et revendications.
La construction du récit est une des nombreuses qualités du film avec cette façon qu’a Philippe Condroyer de relancer la machine narrative, sans que les à-coups des enchaînements n’entament la fluidité du film et ne gênent une montée dramatique toute en nuances basée sur les atmosphères.
Il ne restait plus en 2012, lorsque le film fut projeté à Bondy dans le cadre des « Rencontres cinématographiques de la Seine-Saint-Denis », comme support disponible de « la coupe à dix francs » qu’une vidéo fatiguée.
La première projection de la version du film qui a été restaurée et numérisée avec l’aide du CNC a eu lieu en mars 2015, au festival de cinéma d’Alès –Itinérances – en présence de Philippe Condroyer et de Roseline Villaumé et Didier Sauvegrain, les interprètes du jeune couple de l’histoire.
Nombreux sont sans doute les films oubliés qui mériteraient d’être restaurés et, à nouveau proposés au public.
Si « La coupe à dix francs » a eu la chance de jouir de ce traitement salvateur c’est d’évidence parce qu’il est à la fois un document d’époque et une œuvre intemporelle.
Francis Dubois
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