Printemps 1920 entre Paris, Saint-Pétersbourg et Moscou, François-Claudius – un double prénom qui ne fut pas choisi au hasard – Simon enquête sur un meurtre commis à Paris sur des résidents russes. Un assassinat commis sur un ancien membre de la police secrète du tsar, l’Okhrana. Une police experte dans les faux. C’est à elle que l’on doit le soi-disant « Protocole des Sages de Sion » qui fait d’un État-major de 12 Juifs la tête d’un complot mondial. Dans « La berceuse de Staline », Guillaume Prévost a choisi une autre entrée. Celle d’un document retrouvé sur le tard qui ferait de Staline – à l’époque « Koba », le loup – un agent de cette police secrète.
Les assassinats parsèment cette chasse au document, les tortures aussi. En même temps, Prévost raconte les tribulations de la colonie française à Moscou qui vit dans des conditions difficiles. Le froid de cet hiver 1920 n’arrange rien. Tout manque. Le blocus des puissances occidentales fait sentir ses effets. La guerre civile n’est pas encore tout à fait terminée.
L’amour n’est pas oublié. On se souvient que Elsa, la compagne du policier, est partie dans cette Russie de rêve pour vivre les moments clés de cette révolution. Ni l’enquête sur le père de François-Claudius qui est le fil conducteur de toutes ces aventures.
Nous sommes dans le Moscou de cette année-là. Lénine, figure centrale d’un État en train de se constituer est invisible mais bien présent, Trotsky, chef incontesté de l’Armée rouge bénéficie d’un très beau portrait, Victor Serge – il racontera cette expérience dans ce livre essentiel « Il est minuit dans le siècle » -, à cette époque un des responsables de la ville de Saint-Pétersbourg et Staline, l’homme de l’ombre, véritable pieuvre étendant son pouvoir. Lénine s’en apercevra trop tard. Son « testament » ne sera retrouvé que bien plus tard.
Guillaume Prévost en fait le personnage central, auteur des basses œuvres tout en insistant sur le début d’une bureaucratie qui se met en place. Par contre, il saute un personnage. Félix Dzerzhinsky créateur et dirigeant de la Tchéka futur NKVD et plus tard encore Guépéou. Un idéaliste qui pensait nécessaire cette police pour lutter, dans cette guerre civile, contre les Blancs – les partisans du tsar – et les partisans d’un retour en arrière.
Pour le reste, François-Claudius Simon réussi, avec l’aide d’un vieil anarchiste que Lénine fait sortir de prison, à nous faire vivre ce monde en train de basculer. Le 20e siècle est en train de commencer. La révolution russe en est un des éléments essentiels. Elle incarne la possibilité de sortir du capitalisme. Pour longtemps, elle va structurer les imaginaires.
Guillaume Prévost réussit un pari pas facile, un polar historique à la fois intrigue travaillée, décors plantés – l’Église orthodoxe sise à Saint Augustin, à Paris, n’a pas vraiment changé – et livre d’histoire reposant sur les témoignages des contemporains, Jacques Sadoul en particulier qui, pourtant, n’apparaît pas.
Cette septième aventure de François-Claudius Simon en appelle une huitième…
Nicolas Béniès.
« La berceuse de Staline », Guillaume Prévost, 10/18.
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